Parent ou Cyberparent

L’association e-enfance, actuellement très médiatisée pour deux spots vidéos qu’elle diffuse, propose sur son site 10 leçons pour être cyberparent (http://www.e-enfance.org/blog/index.php/?cyber=true). Malheureusement, comme on l’observe habituellement dans ce domaine, les auteurs de ces leçons oublient qu’avant d’être « cyberparent », il faut être « parent ». C’est pourquoi j’ai réécrit ces leçons à ma manière :

Etre un parent (d’enfants qui accèdent à Internet) en 10 leçons : revu et corrigé le 1 mai 2007

Leçon n°1 corrigée : Je sais que trop souvent nous mettons nos enfants en face d’images choquantes ou violents, c’est pourquoi je n’hésite pas à en parler avec eux.

Leçon n°2 corrigée : Connaissant les limites et les insuffisances des logiciels de contrôle parental je n’installe ceux-ci qu’en l’accompagnant d’un dialogue avec mon enfant sur son utilité, son efficacité et les paramètres utilisés

Leçon n°3 corrigée : J’incite mon enfant à utiliser les outils qui lui permettent de n’être en contact qu’avec les amis qu’il connaît bien

Leçon n°4 corrigée : Pour connaître quelqu’un sur Internet, j’apprends à mon enfant qu’il faut en savoir suffisamment sur lui ou elle avant d’aller plus loin et qu’il est encore mieux d’être conseillé avant.

Leçon n°5 corrigée : J’incite mon enfant à toujours comparer les informations qu’il trouve sur le net avec plusieurs sources avant de penser qu’elles sont vraies

Leçon 6 corrigée : Chaque fois que l’occasion se présente, j’explique comment fonctionne les différents outils qu’il rencontre. En échangeant avec lui à propos de plusieurs exemples, je lui montre que ce qui est écrit peut être vu de tous.

Leçon n°7 corrigée : Quand je pense que mon enfant passe trop de temps sur Internet, j’essaie de comprendre pourquoi et j’engage le dialogue avec lui sur les activités qu’il aime et le temps qu’il y consacre afin qu’il construise les règles dont il a besoin

Leçon n°8 corrigée : Quand je me promène avec mon enfant dans la rue, je lui montre les dangers qu’il peut rencontrer et lui explique en quoi il y a danger. Su Internet, je lui demande toujours d’identifier les personnes avec lesquelles il échange

Leçon n°9 corrigée Lorsque mon enfant est exposé à certaines informations, j’en parle avec lui et agis de telle manière qu’il puisse me questionner. Je lui montre la variété des informations et la difficulté à accepter tout ce qui s’y dit

Leçon 10 corrigée Chaque fois que l’occasion se présente, je parle avec mon enfant du droit des médias. Lorsqu’il utilise lui même Internet pour lire ou pour écrire, je parle avec lui de la loi mais aussi de l’éthique de communication humaine

Vous pourrez comparer les versions afin d’observer ce que peuvent être des conceptions éducatives divergentes…

A suivre et à débattre

Bruno Devauchelle

La surmédiatisation est-elle éducative ?

En cette période électorale, l’inflation médiatique atteint son comble. Que cherchent donc tous ces médias  » de masse » en multipliant les « non-nouvelles » et les « contre-débat » ou « débat avant débat » ? Est-ce de l’information ? Cela permet-il de mieux éduquer la population ou tout au moins de l’élever dans la compréhension de la question politique ?

A défaut de comprendre mieux le débat, cette agitation fait surtout vibrer les professionnels de la presse qui espèrent en retrouver des bénéfices en terme de lectorat ou d’auditorat. Autrement dit, il ne s’agit pas d’information, mais bien de tentative de manipulation du public afin d’attirer son attention au delà même de toute raison, ou en tout cas d’intérêt informationnel.

En tant qu’éducateur, je suis catastrophé de la médiocrité commerciale de la plupart des médias de masse, relayés d’ailleurs par certains propos sur Internet. Aucune hiérarchisation, spectacularisation, exhibition, procés d’intention, tout y passe. La complicité de nombre de politiques est tout aussi affligeante. Si d’aucuns se sont félicité de la forte participation électorale, ile ne devraient pas oublier qu’ils sont en train de vider tout le crédit de celle-ci en proposant un show et non pas des analyses qui conforteraient cette volonté démocratique.

Quelques exemples : l’oubli total de l’enjeu des législatives qui vont suivre et qui font évidemment la suite de cette élection, au risque d’en modifier les effets; l’absence d’analyse de fond des valeurs évoquées par les candidats. Ainsi la valeur « travail » dont l’usage incantatoire et sans critique aussi bien par les politiques que par les journalistes est étonnant. De même la notion « d’ordre juste » dont une lecture parallèle peut amener à une connotation très ambiguë, peut être interrogée avec une autre vigueur que celle ressentie actuellement.

Le sens de la mesure c’est d’abord une question d’éthique. Or il est temps de questionner les médias dans ce domaine. Entre le spectacle et l’information il va falloir choisir. Le mélange entre ces deux pôles est constant amenant le lectorat et l’auditorat à l’impossibilité de distance, d’esprit critique.

L’éducation aux médias devient quelque chose de plus en plus difficile à mener. Les jeunes témoignent de plus en plus souvent de leur difficulté à comprendre le monde qui les entoure. Comment, dans ce contexte, refonder une éducation aux médias qui permette de passer outre ces confusions ?

Bruno Devauchelle

Pour un droit au suicide numérique ?

A la différence du monde du papier, le monde numérique a une capacité de traçabilité étonnante. En effet si dans le monde du papier je dois mener une action physiquement perceptible pour inscrire, reproduire et diffuser ce qui est écrit, le monde numérique se limite à la seule phase de l’inscription, et encore, est-elle souvent menacée ? Si le papier ne garde pas trace de son auteur tant que celui-ci ne s’en préoccupe pas (et ce ne sont pas les experts en graphologie qui me feront rapidement changer d’avis), le numérique identifie son auteur (réel ou virtuel) dès que possible. Tel document est sur telle machine, sur tel serveur etc… Ainsi lorsque je paramètre mon traitement de texte, lors de son installation, je peux décider qu’automatiquement tous les textes que je rédige porteront ma trace. Il n’est pas rare, quand on reçoit un document écrit avec Word par exemple, de découvrir le nom de son auteur (ou de l’installateur du logiciel) et parfois même d’autres caractéristiques qui vont affiner la connaissance que le lecteur peut avoir du contexte de production (dates de création, date de révision et parfois même versions successives…) Dans le monde du papier la relation inscriptive de l’auteur au contenu ne peut (globalement, hormis si les moines copistes s’en mêlent)se faire à l’insu de celui-ci. En effet s’il veut que sa trace soit associée au contenu il faut, soit qu’il l’inscrive lui même dans le corps du document, soit qu’il passe par un des acteurs de la chaîne de diffusion qui se chargera de cela. Même si le papier ne permet pas de garantir totalement l’auteur, il peut au moins garantir l’anonymat…

Avec le numérique il en va tout autrement et de récentes évolution nous questionnent : le développement de la carte santé, le développement de l’impôt sur le revenu en ligne, le développement des e-portfolio, le développement des puces RFID (cf le livre de Michel Alberganti)….

Les pratiques en ligne, volontaires ou non sont désormais traçable à l’insu même de leur auteur. non seulement elles sont traçables mais elles sont reproductibles et diffusables sans que l’auteur puisse en avoir une quelconque maîtrise. Dès lors que ce message est mis sur Internet, il va commencer sa vie propre sans que je n’ai la moindre possiblité d’interférer avec ce devenir, ni même de le suivre. Les dénonciateurs des atteintes à la vie privé et à la liberté ont là un bel objet de travail. Dans une période d’enthousiasme technologique, de crainte sécuritaire, de reconfiguration sociale identitaire, le niveau d’acceptation de ces technologies est très élevé. Non seulement les gens l’acceptent, mais ils l’acceptent d’autant mieux qu’ils l’ignorent totalement. Dès lors que mon action a pris une forme numérique, elle mène une vie virtuelle propre et totalement indépendante de moi. C’est alors qu’entrent en jeu les « traitements de l’information ». pour diverses raisons, avouées ou non, valables ou non, les systèmes de duplication, d’extraction, de classement, de modification éventuellement vont se mettre à l’oeuvre. Un exemple simple permet de le percevoir lorsque je fais une recherche sur Google avec mon nom. Je vois remonter un grand nombre d’informations qui sont la preuve de ce repérage, ce classement, ce tri, cette extraction, cette transformation (le résumé…) et éventuellement le rapprochement avec d’autres données qui ne sont pas de mon fait. Le moteur de recherche est en réalité une formidable machine à traiter l’information (allant évidemment jusqu’à la dupliquer et garde une trace antérieure (cf « en cache »)


Comme nous venons de le voir, la multiplication des traitements de l’information dépossède en quelque sorte « l’auteur »(pris au sens large) de son bien, ce qu’il a produit. C’est pourquoi il me parait important de questionner l’ensemble des acteurs de notre société à partir de ce qui peut sembler une provocation : « le droit au suicide numérique ». Le développement de l’identifiant unique, en cours de normalisation, permettra (espérons-le) probablement d’imposer à tous les manipulateurs d’information une plus grande transparence sur le devenir de nos actions numériques. Il pourrait même autoriser quelqu’un à « disparaître numériquement » autrement dit à redevenir un simple « être humain » libre. L’insouciance actuelle face à cette dérive est trop irresponsable. Il me semble qu’il est nécessaire de s’arrêter quelques instants sur ces questions d’autant plus importantes que ceux qui initient ces technologies sont sollicités par des instances politiques qui pourraient avoir d’inquiétants projets.

Le « suicide numérique » n’est pas un projet utopique, c’est une volonté d’imposer un débat pour permettre à chacun de prendre conscience de la place nouvelle qu’il est en train de se construire, grace ou à cause des TIC, et en ne le sachant pas toujours….

A débattre

BD

Des logiciels indépendants de leur ordinateur

Avec les logiciels en ligne et les logiciels sur clé USB nous sommes en train d’assister au rapide développement d’une véritable révolution pour le confort des utulisateurs. Désormais les logiciels peuvent vivre leur vie indépendamment de la machine sur laquelle ils fonctionnent. Les « techniciens » le diront que ce n’est pas nouveau. Ils auront raison d’autant plus que c’est sous cette forme que l’informatique répartie s’est développée dans les années 60, entre terminaux passifs et ordinateurs connectés à des grands systèmes. Mais entre temps les ordinateurs individuels sont passés par là, mettant à disposition de tous une nouvelle relation aux technologies qui nous entourent.

Dans les premiers temps de l’informatique et jusqu’au milieu des années 80, l’informatique était plutôt centrale et l’utilisateur avait parfois l’impression d’être un esclave. Avec l’arrivée du micro ordinateur, chacun de nous a pu prendre la mesure de ce qui se cache dans un « ordinateur ». Le sentiment de puissance qui s’empare du néophite découvrant progressivement son premier ordinateur individuel (rappelez vous les Pet de Commodore, les Oric, les C64 et autres micros familiaux) était doublement étayé : d’une part il avait la totalité de la machine entre les mains, d’autre part il s’affranchissait de « l’ogre » de « big brother ».

Le développement des ordinateurs personnels et des pratiques personnelles et professionnelles a progressivement mis en évidence la nécessité de garder du lien. Réseaux internes, minitel puis Internet sont venus remettre en lien les machines entre elles. Certes elles gardent toute leur indépendance, mais désormais elles partagent de plus en plus de chose. Rappelons cependant que sur nos machines personnelles l’installation d’un logiciel était souvent génératrice de nombreux petits conflits et de problèmes divers qui ont rendu et rendent encore aujourd’hui ingrate l’informatique personnelle. Qui ne se souvient pas de l’installation des imprimantes et de leurs pilotes ésotériques. Qui ne se souvient des versions successives de logiciels et de système d’exploitation incompatibles les unes avec les autres (regardez pas exemple certains formats du dernier word illisibles par le précédent sans un patch).

La mise en réseau et le développement d’internet, les problèmes de configuration des ordinateurs ont inévitablement amené les développeurs (et leurs employeurs) à faire de nouvelles propositions qui facilitent la vie des usagers. Nous voyons deux solutions se développer rapidement. D’une part les logiciels qui vivent sur leur vie sur la clé USB et qui sont transportables (ainsi que les données). Je n’ai besoin que de ma clé USB, si je trouve un ordinateur quelque part (compatible quand même) je vais retrouver mes applications, mes documents, mes codes d’accès etc… Il me faut donc désormais aller chercher de la ressource machine (reliée à Internet) pour travailler. Imaginons ce que cela donne dans un établissement scolaire : les élèves ont leur clé USB avec les programmes prévus et leurs documents. La gestion du réseau est dès lors minimale. On voit bien que l’administration informatique peut alors être réduite à peu de choses (donc peu couteuse) et surtout on donne une nouvelle autonomie aux élèves (et aussi aux enseignants). Encore faut-il trouver les bonnes solution. Robert Bibeau a attiré sur la liste edu-ressource notre attention sur la Liberclé (http://zonelibre.grics.qc.ca/article.php3?id_article=139), Saluons aussi le travail de Framasoft et de sa clé et les acteurs du Libre impliqués dans ces projets.

Internet a aussi donné des idées aux anciens centralisateurs : et si l’on proposait les applications en ligne sur Internet. On pourrait ainsi permettre à chaque ordinateur d’accéder à des outils qui ne sont pas installés et qui donc ne mobilisent que des ressources minimales. Cette tentative avait été faite à la fin des années 90 sans succés et une première génération de « terminaux intelligents » sont passés à la trappe. Le retour en gloire de cette solution vient surtout du fait du Haut Débit et de la puissance des machines centrales. Désormais accéder à un traitement de texte ou un tableur en ligne devient « confortable ». Si on ajoute à cela un gestion locale ou distante et intelligente des documents, on voit arriver une nouvelle forme de travail sur ordinateur. Désormais j’accède à des services, quel que soit l’ordinateur. Dans l’établissement scolaire, on voit bien que ce type de solution (ENT amélioré) nécessite de grandes compétences informatiques qui ne seront pas à la portée de tous. De plus on voit aussi l’absence de « liberté » potentielle liée à un système ou les informaticiens décident « au central ».

Comme on le voit il pourrait y avoir affrontement entre les deux approches : l’une est centralisatrice, l’autre est décentralisatrice. Une réflexion plus avancée nous amène à penser qu’il ne faut pas opposer les deux solutions mais plutôt chercher leur complémentarité. Comment articuler ressources et outils en lignes avec ressources et outils en local, le tout sans provoquer de cataclysme informatique à la maison, l’école ou dans le lieu professionnel. Applications et stockage en ligne ou sur clé USB, voilà deux avancées qui vont modifier la place de la machine dans notre représentation et notre quotidien. La machine, il suffit de la trouver n’importe où… du moment que je peux connecter ma clé USB et aller sur les sites d’applications en ligne et cela fonctionne…

Pour mémoire la Clé USB pour les jeunes profs semble indiquer ce chemin, malheureusement ce que nous avons pu en voir nous a laissé penser que ce n’était pas cette philosophie qui était son fondement. Encore faudra-t-il en voir son développement réel…

Dans les écoles, voilà des choses à réfléchir pour les quelques années à venir, non seulement pour le coté financier, mais aussi pour les cotés pédagogique, technique, et organisationnels.

Une réserve toutefois, ne laissez pas trainer des documents importants sur vos clé USB… cela circule très vite…, trop vite…

A suivre

Bruno Devauchelle

Tout est permis, ou comment éduquer aujourd'hui ?

Comment éduquer à la citoyenneté aujourd’hui dans nos écoles quand les médias brouillent les pistes ? En proposant de publier des « résultats » que l’on appellerait pas comme cela (rumeurs…) avant l’heure légale de publication, en en débattant même la sphère médiatique s’agite. Au delà du fait quelles questions pose ce débat au monde éducatif ? Que faire de la loi dans notre société ? Qu’est-ce qu’une démocratie ? Qu’est-ce que le respect du bulletin de vote ? etc…

Internet est, comme l’introduction de toutes les TIC dans la société en général, est un bon révélateur des choix humains qui s’opèrent actuellement. Dans le cas présent, parce qu’Internet offre la possibilité à tout un chacun de le faire, plusieurs « personnes » s’engouffrent dans cette brèche, pas forcément d’ailleurs pour autre chose que de faire parler d’eux et ils y réussissent bien. Premier effet constatable bien plus encore que dans les médias traditionnels : ce qui intéresse désormais les médias, ce sont les médias ou leurs acteurs. Que tel ou tel acteur professionnel des médias se prononce et tous les médias se questionnent relayant ainsi la mécanique emballée constituée par ce système d’autoréférence ou de nombrilisme. On l’avait déjà vu à l’oeuvre avec les émissions qui revisitent l’histoire de la télé on le voit désormais pour la politique. Cela a commencé par l’exclusion de l’antenne de tout journaliste dont l’opinion personnelle serait lisible officiellement soit par expression publique, soit par vie maritale ou proche. Comme si les autres journalistes n’avaient pas d’opinion parce qu’elles n’étaient pas visible… cela fait beaucoup sourire les jeunes qui regardent ce spectacle hypocrite. Cela continue avec l’agitation des spéciliastes des émissions sur les émissions qui s’empressent désormais de chercher à exister médiatiquement en créant un nouveau débat.

Rappelons ici que le modèle médiatique est malheureusement le thermomètre éthique auquel nos jeunes sont quotidiennement confrontés. Rappelons aussi que l’on ne peut éduquer à la responsabilité et à la règle si constamment l’une comme l’autres sont bafouées au quotidien. Et ce qui est particulièrement dangeureux n’est pas tant la contestation de la loi, ce qui est historiquement une évolution normale de la vie en société, que les modalités choisies de contestation de la loi. On contourne la loi au lieu de s’y opposer. Le père d’un jeune décédé d’un accident provoqué par un conducteur alcoolique me rappelait à l’ordre un jour car nous débattions « impunément » de la sévérité des sanctions encourues par ces conducteurs. En d’autres termes, ce père me demandait d’assumer ma responsabilité, même dans ce cas.

Pris au piège de ma contradiction personnelle, cela m’a amené à réfléchir. En élargissant à d’autres cas moins dramatiques à court terme, je me suis aperçu que dans le domaine éducatif, l’effet médias est beaucoup plus important qu’on ne l’imagine. L’arrivée d’Internet, et en particulier de ce que l’on nomme aujourd’hui le web 2.0 ou le web social, propose à chacun le spectacle de la responsabilité de l’autre. Chaque jeune peut y lire celle de ses parents, des adultes qui l’entourent. Les médias traditionnels dits de masse (transmissifs) qui ont, encore aujourd’hui, une position dominante sont les plus efficaces pour diffuser de tels miroirs. Relayé ou plutôt prolongé habilement par certains sur le web, ils sont encore plus efficaces et colonisent progressivement ce web qui de social pourrait redevenir le web des « privilégiés ». Parfois ils semblent irresponsables (certains diront souvent, d’autres jamais -il y a la fameuse carte de journaliste) tous ces professionnels autorisés qui pour vendre leur média ou se vendre aux médias n’hésitent pas à provoquer, voire enfreindre la loi. Le spectacle médiatique est-il devenu la norme du comportement social ? En tout cas il est temps, non pas de mettre en place une xième commission de censure et de surveillance, mais d’appeler à « l’éthique éducationnelle ».

A débattre

Bruno Devauchelle

Questions pour un rapport

La mission d’audit de modernisation à établi un rapport sur la contribution des nouvelles technologies à la modernisation du système éducatif. Pas moins de 26 propositions sont formulées dans ce rapport auquel une réponse du ministère et une réponse des auteurs au ministère ainsi que quelques annexes sont ajoutés amènent à se questionner sur plusieurs points qui nous semblent importants : la place de la sous direction des technologie (SDTICE), la question de la décentralisation et surtout celle de la recherche. (http://www.audits.performance-publique.gouv.fr/bib_res/664.pdf).

L’insistance de ce rapport sur la nécessité du pilotage du système par la direction de l’enseignement scolaire (DGESCO) et les corps d’inspection (exemple pour les CTICE qui devraient être des IA IPR) pose la question de la perception de l’action de la SDTICE. En effet si l’on en juge par l’ensemble du rapport (ou du moins ce que nous pouvons en percevoir de notre point de vue), il semble que l’orientation pédagogique est prioritaire et qu’elle ne peut être pilotée que par les acteurs en charge de cela la DGESCO. Cela veut dire que ce sont les corps d’inspection qui doivent prendre le pilotage global afin d’assurer de la cohérence. Car c’est la dispersion des initiatives prises depuis 10 années et le faible impact de celles-ci qui amènent les rapporteur à souhaiter une nouvelle forme de centralisation dont on voit bien qu’elle ne peut se faire facilement du fait des lois de décentralisation.

Deuxième point important signalé dans ce rapport, la difficulté posée par une loi de décentralisation toujours imparfaite car se refusant à situer clairement les responsabilité de l’action (exemple des crédits de premier équipement). Le constat de disparités importantes d’équipement entre établissements scolaires selon les zones géographique ne peut pas être accepté tel quel. Cette observation montre bien la difficulté d’articuler le régional et le « fédéral » tant la notion d’éducation « nationale » est un modèle dominant en France au moment où l’évolution politique tendrait à proposer une plus grande autonomie locale. Mais l’on voit bien ici le grand écart français : comment garantir l’autonomie tout en garantissant l’égalité… En tout cas si pilotage il doit y avoir, il est du coté des finalités et pas des moyens, c’est ce qui ressort de plus fort dans ce rapport et qui aujourd’hui peut amener à refonder une véritable politique des TIC en éducation (ce qui semble faire un certain désaccord entre le ministère et les rapporteurs).

Troisième point et non des moindres : aucune évocation de la recherche dans le domaine des TICE. On peut penser que l’audit n’avait pas à prendre cette dimension en compte. Mais il est étrange qu’un groupe de travail de ce type n’ait à aucun moment évoqué cette question. Faut il alors penser que la recherche française dans le domaine des TICE soit inexistante ? Faut-il plutôt penser qu’un tel groupe de travail peut se passer de travaux de recherches pour étayer ses propositions (ou tout au moins certaines) ? Un récent numéro de l’ingénierie éducative (CNDP) évoquait la question de la recherche dans ce domaine et les résultats semblaient bien pauvre. Force est de reconnaitre que les travaux actuels de l’INRP restent confidentiels (surtout depuis que Georges Louis Baron à rejoint Paris 5). Quant aux universités, plusieurs travaux récents montrent que le lien entre la recherche et la pratique est plutôt distendu… voire inexistant dans de nombreux cas. Faut-il alors en déduire qu’un tel rapport n’a rien trouvé de pertinent pour étayer ses propos ? Et pourtant des travaux sur les usages se développent actuellement et depuis plusieurs années. Il est vrai que les technologies de l’information et de la communication en éducation sont tiraillées entre plusieurs pôles discipliniares (Sciences de l’éducation, Sciences de l’Information et de la Communication, Psychologie, Sociologie, Didactiques des disciplines scolaires etc…) et que la communication entre ces pôles est plutôt difficile voire conflictuelle.

Ainsi ce rapport pose-t-il en inversé des questions ô combien importantes pour l’avenir des TICE en éducation : Sur quelles recherches s’appuyer pour définir une politique cohérente ? Quels sont les acteurs institutionnels les plus « compétents » pour développer un telle politique ? A quel échelon géographique et politique faut-il traiter ce genre de questions ?

Tout cela pour constater que, en France, on ne sait toujours pas grand chose sur les TICE et que ce qui transparait semble encore bien chaotique… de quoi réfléchir

A réfléchir

Bruno Devauchelle

Apprendre en situation : la question de l'appropriation des TIC

Le monde scolaire est de par sa forme légale un monde « à part ». Bien qu’à part du reste du monde, il y prépare. C’est bien là toute l’ambiguité du monde scolaire et de la forme scolaire (en particulier en France) qui crée un espace temps spécifique destiné à faire acquérir des connaissances (et surtout des compétences) qui seront utilisables en dehors de cet espace temps. Les récentes observations sur l’appropriation des TIC semblent montrer que l’école est bien en dehors de ce monde. Dans le même temps des enseignants (entre autres de technologie) revendiquent l’enseignement des TIC dans le cadre de leur discipline. Certains même revendiquent l’enseignement de compétences que d’aucun qualifieraient de transversales. La particularité du développement actuel des TIC est que l’école est réduite de plus en plus à un rôle d’ajustement. Il s’agit d’ajuster des compétences « informelles » (!) acquises dans la pratique personnelle à un référentiel de compétence (existant comme le B2i ou non, certains souhaiteraient en définir un plus informatique) construit par, dans et pour ce « monde à part » avant d’être réutilisables(? ou réutilisées) en dehors de ce « monde à part ». D’ailleurs les élèves en seraient probablement contents.

Mais les jeunes, avant d’être élèves, ont développé des stratégies d’appropriation qui sont en décalage avec les stratégies d’apprentissage scolaire. Et c’est là que l’apprentissage en situation (appelons le comme cela, même s’il faudra le nommer autrement) devient indispensable. De quoi s’agit-il : de créer un environnement d’apprentissage qui mette les élèves en activité et les incite à engager une démarche d’appropriation et non pas une démarche d’apprentissage.

Lors d’une recherche je menais un entretiens sur l’origine des compétences TIC des élèves. L’un d’entre eux, élèves en quatrième, me répondis qu’il maîtrisait les bases du traitement de texte, mais quand je lui demandais de le faire devant moi il me disait qu’il ne pourrait pas. Lui demandant alors pourquoi il déclarait maîtriser, il me répondit que c’est parce que en 6è en techno, il avait appris et qu’il avait eu une bonne note au contrôle mais que depuis il n’avait jamais remis les mains sur un clavier, car il n’avait pas accès à un ordinateur. Depuis ces jeunes, comme le montrent les récentent enquêtes on pour la presque totalité d’entre eux accès à ces machines personnellement, et pourront si les situations s’y prêtent, consolider leur maîtrise des compétences TIC.

Engager une démarche d’appropriation en milieu scolaire, c’est d’abord construire en équipe un environnement coordoné et cohérent d’activités disciplinaires, à partir desquels un ensemble de compétences non liées directement à la discipline de l’enseignant, peuvent être mises en oeuvre et consolidées. Ainsi ce jeune aurait très bien pu poursuivre son appropriation dans des activités de production écrite au service de nombreux projets disciplinaires à condition que ceux-ci y consentent. Découpage disciplinaire ne signifie pas indifférence à tout ce qui déborde la discipline, tous les enseignants en sont conscient. Mais découpage disciplinaire ne doit pas réduire l’activité de l’équipe enseignante à une juxtaposition d’activités sans lien explicite. Certes ce sont les élèves qui font du lien nous dira-t-on. Mais faire du lien est une des activités mentales les plus complexes à développer chez des élèves. Aussi est-il nécessaire de les accompagner dans cette démarche.

L’appropriation suppose aussi que les situations impliquent l’élève, l’engagent dans la démarche. Or le milieu scolaire utilise trop souvent la notation (récompense punition) comme seul levier de l’engagement personnel de l’élève (même certains élèves le revendiquent). Développer en milieu scolaire des situations qui engagent l’élève à s’approprier les TIC suppose que l’on pose l’objectif au delà des de la date fatidique des bulletins scolaires et des conseils de classe. Chacun le souhaite, mais peu le font et la forme scolaire, dont les examens sont la clé de voute, freine toute initiative dans ce sens.

Les TIC sont une chance pour l’enseignement. Elles permettent aux équipes de réfléchir cette question de l’appropriation, ses modalités pratiques, ses conditions d’évaluation. C’est dans ce sens que le B2i et même dans une certaine mesure le socle commun vont. Aussi imparfaits soient-ils ces dispositifs ont au moins le mérite de poser une question centrale aux enseignants : quelle place donne-t-on à l’appropriation par les élèves des connaissances et des compétences jugées nécessaires en dehors du « monde à part » ?

Bruno Devauchelle.

Réinventer les TICE

Plusieurs lectures récentes (rapports IGAEN en France, Mediappro au Québec etc…) ainsi que l’observation récente de jeunes enseignants en fin de formation croisent mes propres travaux menés il y a trois années sur les usages des TIC par les jeunes. Au delà des constats souvent négatifs que nous avons été amenés à faire sur la difficulté de l’école face à ces TIC, il est désormais temps d’interroger le système éducatif sur sa capacité inventer de nouveaux usages éducatifs des TIC. Disons le plus simplement, ces usages existent déjà (au moins en partie), mais ne sont pas (encore ?) portés par le système lui même. Or si nous voulons que les jeunes enseignants « osent » ces usages, il faut encore leur « ouvrir » (?) le passage pour qu’ils puissent le faire.

Prenons un exemple. Autour des blogs, que ce soit de ceux que Mario Asselin avait développé dans son école avec le portfolio, ou que ce soient les nombreux essais faits par des enseignants au cours des deux dernières années, il y a un gisement de possibles ô combien intéressants et surtout riches en matière de pédagogie. Or que lit-on dans les médias de masse ? méfiance, surveillance, punition (voire la récente affaire de la PEI au Québec) avant tout. Comment lire l’intérêt pédagogique de tout cela, quand en plus les pédagogies actives sont souvent accusées au profit des pédagogies transmissives.

Quels sont donc ces gisements d’invention qui vont bien au-delà de l’éducation au média ou de l’apprentissage d’internet et de l’ordinateur ? Regardons simplement les trois activités centrales disponibles : s’informer, produire, communiquer. Questionnons aussi les éléments clés de ces possibles activités : observer, comprendre, analyser, traiter, diffuser, partager. Une analyse globale de ce qu’est apprendre dans nos sociétés est bien en correspondance avec cela. Or qu’observons nous ? Que les jeunes s’approprient davantage qu’ils n’apprennent les TIC. Dès lors pourquoi ne pas poser la question d’une école qui serait un espace non pas seulement d’apprentissage, mais surtout d’appropriation (entre autres des TIC, mais pas seulement). Mais pour parvenir à cela il faut que le système éducatif définisse différemment le projet qu’il a par rapport aux TICE : quel environnement TIC scolaire cohérent proposer pour amener les jeunes à développer cette appropriation. Le projet ENT aurait pu etre une piste intéressante, mais ne manque-t-il pas d’un véritable « projet pédagogique » ?

C’est à une nouvelle vision du monde scolaire que ces constats nous amènent. Cette nouvelle vision repose sur l’idée que l’appropriation d’un monde par les jeunes est un des éléments clés de l’apprentissage et non pas l’inverse. Que le système scolaire soit déjà un monde que les jeunes s’approprient déjà est un fait, ils apprennent leur métier d’élève. Mais ce monde qui se réduit de plus en plus à l’apprendre concurrentiel (modèle qui recouvre l’ensemble programmes notes comme le montre si bien François Roger Gauthier dans ses récents écrits) demande à être renouvelé du fait même de ce nouveau vivre ensemble qu’induisent les TIC. L’exemple de l’appropriation sociale des TIC, pendant que l’école se pose la question de sa place par rapport à ce phénomène, montre qu’il ne suffira pas de cours d’informatique ou de sensibilisation dans les disciplines pour développer cette vision renouvelée que l’école, selon moi devrait porter. Il est temps d’inventer un « vivre avec » qui permette de dépasser cette approche de la seule méfiance qui semble prévaloir trop souvent. Ce evivre avec » ne doit pas être l’apanage des seuls branchés ou jeunes. Il est le fruit d’une réflexion collective des équipes éducatives qui doivent désormais inscrire dans les projets d’établissement avec une force suffisante ce que pour elles représente ce contexte d’appropriation scolaire que l’on veut proposer aux élèves. Il sera ensuite temps de décliner pour chacun ce que cela l’amène à faire. Or pour l’instant c’est plutôt l’inverse qui se produit : on fait localement, individuellement, et l’on ne cherche pas un sens collectif à l’action dans ce domaine. On attend peut-être trop du ministère, des dirigeants, alors que c’est au plus près du quotidien que doivent pouvoir se penser ces « projets éducatifs ».

A débattre

Bruno Devauchelle

Au Québec aussi l'école ne fait pas école (pour les TIC)

La lecture du compte rendu de la partie québecoise de la recherche mediappro mise en ligne en cette fin mars est très instructive. Parmi les nombeux aspects que nous avons pu noter, l’un d’eux retient notre attention : la place de l’école dans l’appropriation des TIC par les jeunes (p.71-76). Au Québec, cette place est en recul. L’équipement et la pratique familiale marginalisent progressivement les pratiques scolaires. Cette situation n’est pas un problème pour les jeunes, c’est simplement un état de fait, matériels et logiciels parfois désuet ou difficilement utilisables (contrôles divers, filtrages…), quant aux enseignants, ils n’invitent pas vraiment à l’utilisation des TIC.

« Les témoignages des jeunes semblent être un constat de l’absence de projets scolaires d’envergure centrés sur l’exploration des possibilités pédagogiques des TIC ou même d’innovations pédagogiques fondées sur l’utilisation et l’appropriation des TIC au service de l’apprentissage des matières scolaires traditionnelles. Il apparaît donc clairement que l’école n’est pas devenue le laboratoire d’expérimentation sur l’apprentissage des nouveaux médias que les investissements massifs consentis au milieu des années 1990 pour brancher les écoles et renouveler les parcs informatiques pouvaient laisser espérer. « 

A cela les auteurs ajoutent : « Bien au contraire, nos discussions avec les élèves nous ont permis de constater qu’Internet est reconnu aujourd’hui, par tous leurs enseignants, comme une source de référence précieuse et incontournable dans la réalisation des travaux scolaires. Mais cette utilisation ne s’effectue pas beaucoup à l’école, sinon de manière marginale à la bibliothèque scolaire. « 

Ainsi l’équipement familial développe des pratiques qui, une fois la découverte passée (et souvent avec l’aide du système scolaire comme le montrent les précédentes études), vont bien au delà de ce que l’école peut accompagner par elle même. Autrement dit le divorce est en train de se faire. Même si les enseignants québecois sont devenus des maîtres en matière de détection de plagiat, ils sont notablement mis à l’écart à l’instar de leur institution qui ne peut « suivre » les pratiques réelles des jeunes.

Comme pour le rapport français fait par le CLEMI et dont nous avions déjà fait l’analyse, l’école et son cadre (nécessaire de par son organisation et obligatoire de par la loi par exemple) apparaissent comme de freins aux pratiques. On peut penser que les enseignants avec leur équipement personnel observent les mêmes difficultés (auxquelles s’ajoutent d’autres freins vus précédemment dans nos billets) et que leur résistance à intégrer les TIC dans leur pratique rélèvent au moins en partie du même argumentaire. Dans un billet précédent j’avais dénoncé la mainmise de certains « techniciens » qui se sont arrogés des pouvoirs qu’ils appuient d’ailleurs désormais sur la loi. Malgré toutes les bonnes intentions qui sont sous-jacentes au travail de ces personnels, il est désormais clair que le cadre de leur travail (qu’ils le construisent ou qu’ils le subissent) est un facteur qui défavorise les pratiques pédagogiques des TIC dans un contexte éducatif.

Faut-il lancer ici un appel à un renouvellement des conceptions de la place des TIC dans le système éducatif ? Cette question doit désormais être au centre de nos préoccupations quand de tels rapport montrent cet écart. Comment un école qui prétend préparer des jeunes aux réalités du monde peut elle être éducative si elle ne montre du monde qu’une part qui n’a rien à voir avec la réalité qui se déroule une fois la porte franchie. Certes il ne faudrait pas inféoder l’école au monde extérieur, mais comment éduquer à la liberté si l’on ne dispose pas des outils pour le faire. Il restera Voltaire et Montesquieu diront certains. L’école ne doit pas être à la botte du monde du profit diront certains et on les entendra. Est-ce pour autant qu’il faut cacher la réalité de ce profit et s’interdire de l’analyser et d’en comprendre les logiques ? L’école doit être un sanctuaire, diront d’autres. Mais comment analyser la clairvoyance de ces moines qui du fond de leur abbaye comprennent souvent mieux le monde que ceux qui croient en être les véritables acteurs. En fait un sanctuaire n’est pas le mot adapté. L’école doit être le lieu de la « distance » d’avec le quotidien. Mais qui dit distance ne dit pas ignorance ou limitation. La distance implique la pleine conscience du rapport que chacun entretient avec les objets (sociaux, matériels…) qui l’entourent. Construire cette pleine conscience suppose aussi de pouvoir en aborder tous les aspects. Ainsi l’école, dans sa mission égalitaire serait en train de nouveau d’être inégalitaire en ne permettant pas de comprendre les véritables enjeux des TIC, en particulier aux plus démunis, puisqu’elle renvoie à la maison leur usage. Le B2i, en France, est d’ailleurs relativement faible sur ce point, mais plein de bonne volonté car ce n’était pas la finalité initiale.

Souhaitons qu’une véritable analyse de ce phénomène amène à sortir des discours convenus et des satisfecit habituels propres au discours politique….

Bruno Devauchelle

Quand on parle du B2i et des TIC : réalité ou rêve ?

Le rapport d’activité 2006 et de projet 2007 de la DUI et SDTICE donne une part importante au dispositif B2i C2i. Pas moins de 43 occurences de l’acronyme B2i et 69 pour le C2i. Document important pour tenter de comprendre ce qui se passe en matière de TIC dans le système scolaire, il mérite d’être questionné à plusieurs reprises non seulement pour les propos tenus en eux-mêmes, mais aussi pour ce que les propos semblent traduire de la réalité actuelle.

Ainsi les chiffres du B2i donnés à la page 75 sont particulièrement parlants : En 2006 14,4% des élèves sortent avec une attestation B2i des collèges et 9,4% avec une attestation partielle. Pour cela 20,2% des enseignants participent activement au B2i. On ne peut qu’être surpris de tels chiffres si on les rapproche de ceux transmis dans toutes enquêtes menées précédemment que ce soit par le ministère de l’éducation (la DEP) ou ceux du Café Pédagogique. En effet ils sont notoirement inférieurs en 2006. Est-ce que les chiffres sont faux (actuels ou antérieurs) ? est-ce une baisse des pratiques ? Est-ce une nouvelle méthode de mesure ?

Comparons avec l’enquête Médiamétrie de novembre 2005 (28% délèves de 11 à 18 ans détenteurs du B2i), ou encore avec la présentation ministérielle de la même date au salon de l’éducation dans laquelle on peut lire 18% de sortant avec le B2i en collège et 13% avec une attestation partielle.pour 11,9% d’enseignants impliqués….

On peut lire dans le rapport de la DEP (Le fonctionnement du brevet informatique et internet au collège – printemps 2005) sur la mise en place du B2i les passages suivants :


« A la rentrée 2003, deux collèges publics sur trois avaient mis en place le brevet informatique et internet. ». On pourrait compléter à l’envie les comparaisons qui démontrent chacune la difficulté d’observer une telle réalité. Puis plus loin on lit encore : « Parmi les enseignants répondants, 27 % disent participer à la validation des compétences du B2i » (p.12 et 13)

Enfin le rapport de Mars 2007 sur la contribution des NT à la modernisation du système éducatif on peut aussi lire un tableau qui dit que 65% des enseignants ont utilisé l’ordinateur en classe au cours des 12 derniers mois (la france est 10 points en dessous de la moyenne européenne). A cela on pourra ajouter que le rapport de la partie Québecoise de lequête Mediappro n’arrange pas le paysage.

Quelle cacophonie !!!

Comment s’y retrouver dans tous ces chiffres et comment apprécier la réalité quand on s’aperçoit ces différences ?

Il semble que nous soyons au milieu du guè : d’une part les TIC s’intègrent de plus en plus dans les pratiques ordinaires et d’autre part l’école refuse d’envisager une validation de ce que les élèves maîtrisent.

Après une première tentative non consolidée de faire de l’informatique un enseignement validé (l’option est restée une option… souvent réservée à quelques uns, puis à disparue) l’idée de s’en tenir à valider des compétences TIC (B2i) n’a pas réussi (encore ?) à prendre place dans le système après 6 années de mise en place.

S’agit-il d’un échec ? S’agit-il d’une défiance ? S’agit-il d’une simple erreur de parcours ?

Non il s’agit simplement de l’émergence d’une question de fond symbolisée par les TIC mais bien présente dans toute cette littérature qui traine l’école dans le caniveau : le lien entre une société et son système éducatif est en train de se déliter (non ce n’est pas encore fait, mais beaucoup de ses détracteurs y contribuent soigneusement cherchant on ne sait quel but). Au moment où une culture nouvelle est en train de se construire sous nos yeux, nous refusons tous de voir notre école s’ouvrir à celle-ci en cantonnant tout ce qui interroge (projet, TIC, mondialisation etc…) à des places de strapontin qui donnent bonne conscience. Pour ce faire il est probable que le changement doit être beaucoup plus important que prévu. Nos amis Québecois n’y arrivent pas mieux… et pourtant ce n’est pas faute de moyens.

Si nous en revenons aux batailles des chiffres, il est amusant de noter dans le dernier rapport sur les TIC et la modernisation du système éducatif que les rapporteurs déclarent dès les premières pages que ce qui manque ce sont les évaluations valables (derrière les chiffres….). Ainsi l’Etat serait attent de cécité ou en tout cas d’un grave déficit visuel. Et pourtant il continue d’impulser des politiques éducatives sans se donner les moyens de voir ce qu’elles produisent. A moins que le monde éducatif ne soit particulièrement insaisissable… surtout pour ce qui concerne les TIC…

A suivre en tout cas…

BD