Il y aurait beaucoup à dire, mais simplement deux choses :
– il faut distinguer l’outil de l’instrument : le premier est le terme le plus pauvre que nous pouvons employer pour désigner un objet technique, puisque le mot outil désigne simplement le fait qu’il s’agit de quelque chose d’ « utile », c’est-à-dire qui répond à un (ou plusieurs ) usages. l’instrument au contraire implique déjà l’idée que le rapport entre l’ « usager » et l’objet technique n’est plus un simple rapport indépendant et extérieur d’un moyen (l’outil) à un une fin (celle de l’usager) qui resterait tout à fait extérieure au premier. L’instrument ( même famille qu’instruire, instruere) suppose que celui qui l’utilise est instruit par l’instrument technique tant sur ses fins que sur les potentialités du moyen utilisé pour l’atteindre : l’instrument est « technique » en ce sens qu’il permet un ajustement interne fin/moyen, là où l’outil est à peine encore un objet « technique » (sa technicité lui semble extérieure et détachable). l’instrument instruit celui qui en use.
– à rebours tout « outil » réellement technique, même le plus humble, est déjà plus et autre chose qu’un simple « machin » défini seulement par son « utilité ». Il ne faut donc pas trop facilement céder à la tentation ou à l’illusion de penser que l’oubli de la présence de l’intention humaine caractériserait plus spécifiquement les objets techniques les plus récents, et notamment numériques. En réalité, le premier couteau, la première lampe à huile mettent déjà en jeu de l’intelligence cristallisée, toute une procédure de résolution de problème afin d’assurer à l’objet technique un existence suffisamment objective pour être capable de résister à son propre fonctionnement, en dépit des obstacles tant internes que liés à son environnement. Sur tous ces points, et bien d’autres, la référence majeure renvoie aux travaux de Gilbert Simondon.
Tout d’abord, je pense que tout objet construit par l’homme embarque son intention. La question est de savoir en quoi, par l’instrument, cette intention s’impose à l’usager. il n’y a pas de construit humain sans intention, explicite ou implicite. r c’est cet implicite qui fait croire à l’absence d’intention.
J’ai quelques interrogations sur votre distinction, étymologique, qui est certes intéressante mais qui demande à être élargie ou interrogée. Les mots ont une vie depuis leur origine et Jacques Ardoino, avec lequel j’ai eu la chance de travailler « l’écoute des termes » s’employait toujours à nous faire travailler la vie et les influences (subies ou agies) d’un mot au cours de sa carrière. Car les mots deviennent aussi des instruments, s’ils ne le sont pas déjà par défaut, dès lors qu’ils sont exprimés, comme traduction de l’intention de celui qui les exprime.
Si la référence à Simondon est importante, voire essentielle, n’oublions pas les débats sur sa démarche et les critiques de sa position (entre les deux périodes principales de son travail. De plus n’oublions pas que depuis Simondon plusieurs travaux, dont ceux de Rabardel, par exemple, ou plus récemment certains éléments des travaux de Bruno Latour, doivent compléter cette pensée.
Bel échange!! J’ai trouvé vos écrits en cherchant sur Googel des arguments pour une de mes positions : « L’intention précède l’outil et non l’inverse »…qu’en pensez-vous?
Nous « digitalisons » la formation par exemple…mais il reste qu’au départ la démarche est purement pédagogique, simplement pour nos intentions « pédagogiques » nous avons maintenant un choix plus large d’outils, de supports et de média….
Respectueusement
3 Commentaires
Il y aurait beaucoup à dire, mais simplement deux choses :
– il faut distinguer l’outil de l’instrument : le premier est le terme le plus pauvre que nous pouvons employer pour désigner un objet technique, puisque le mot outil désigne simplement le fait qu’il s’agit de quelque chose d’ « utile », c’est-à-dire qui répond à un (ou plusieurs ) usages. l’instrument au contraire implique déjà l’idée que le rapport entre l’ « usager » et l’objet technique n’est plus un simple rapport indépendant et extérieur d’un moyen (l’outil) à un une fin (celle de l’usager) qui resterait tout à fait extérieure au premier. L’instrument ( même famille qu’instruire, instruere) suppose que celui qui l’utilise est instruit par l’instrument technique tant sur ses fins que sur les potentialités du moyen utilisé pour l’atteindre : l’instrument est « technique » en ce sens qu’il permet un ajustement interne fin/moyen, là où l’outil est à peine encore un objet « technique » (sa technicité lui semble extérieure et détachable). l’instrument instruit celui qui en use.
– à rebours tout « outil » réellement technique, même le plus humble, est déjà plus et autre chose qu’un simple « machin » défini seulement par son « utilité ». Il ne faut donc pas trop facilement céder à la tentation ou à l’illusion de penser que l’oubli de la présence de l’intention humaine caractériserait plus spécifiquement les objets techniques les plus récents, et notamment numériques. En réalité, le premier couteau, la première lampe à huile mettent déjà en jeu de l’intelligence cristallisée, toute une procédure de résolution de problème afin d’assurer à l’objet technique un existence suffisamment objective pour être capable de résister à son propre fonctionnement, en dépit des obstacles tant internes que liés à son environnement. Sur tous ces points, et bien d’autres, la référence majeure renvoie aux travaux de Gilbert Simondon.
Auteur
Merci de votre contribution
Tout d’abord, je pense que tout objet construit par l’homme embarque son intention. La question est de savoir en quoi, par l’instrument, cette intention s’impose à l’usager. il n’y a pas de construit humain sans intention, explicite ou implicite. r c’est cet implicite qui fait croire à l’absence d’intention.
J’ai quelques interrogations sur votre distinction, étymologique, qui est certes intéressante mais qui demande à être élargie ou interrogée. Les mots ont une vie depuis leur origine et Jacques Ardoino, avec lequel j’ai eu la chance de travailler « l’écoute des termes » s’employait toujours à nous faire travailler la vie et les influences (subies ou agies) d’un mot au cours de sa carrière. Car les mots deviennent aussi des instruments, s’ils ne le sont pas déjà par défaut, dès lors qu’ils sont exprimés, comme traduction de l’intention de celui qui les exprime.
Si la référence à Simondon est importante, voire essentielle, n’oublions pas les débats sur sa démarche et les critiques de sa position (entre les deux périodes principales de son travail. De plus n’oublions pas que depuis Simondon plusieurs travaux, dont ceux de Rabardel, par exemple, ou plus récemment certains éléments des travaux de Bruno Latour, doivent compléter cette pensée.
Merci beaucoup de ces apports
Bel échange!! J’ai trouvé vos écrits en cherchant sur Googel des arguments pour une de mes positions : « L’intention précède l’outil et non l’inverse »…qu’en pensez-vous?
Nous « digitalisons » la formation par exemple…mais il reste qu’au départ la démarche est purement pédagogique, simplement pour nos intentions « pédagogiques » nous avons maintenant un choix plus large d’outils, de supports et de média….
Respectueusement