Un rapport d’information sur le numérique éducatif sans mémoire et sans futur !!!

Le 27 octobre 2023 le « RAPPORT D’INFORMATION FAIT AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES ENFANTS en conclusion des travaux d’une mission d’information  sur éducation et numérique PAR Mme Charlotte GOETSCHY-BOLOGNESE et M. Hervé SAULIGNAC Députés  » a été présenté à l’assemblée ( https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/dde/l16b1681_rapport-information?fbclid=IwAR1lviDPTReTdNa0rGaeLRXkOKM49RALZ-fYzPPRCXGx-07RmR7ejwWZUjs# ). Comme tous les rapports, celui-ci a mené des auditions variées et nombreuses. Malheureusement la lecture du sommaire et des préconisations qui s’en dégagent n’apporte pas grand chose au débat. S’il effleure nombre des problèmes réels remontés dans les auditions, il oublie d’abord de faire mémoire et de prendre en compte ce qui a été fait au cours des cinquante dernières années. Ensuite, c’est un rapport sans futur : aucune des propositions qui émergent ne permet de repérer une vision claire et prospective en se limitant à des mesures ici et maintenant dont certaines ont pourtant été déjà proposées dans plusieurs contextes que nous rappellerons parfois. Par exemple, en 2013, le rapport de l’Académie des sciences sur les écrans et les enfants avait eu le mérite d’exposer clairement des constats et des propositions (https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/avis0113.pdf). Même si l’un des auteurs, Serge Tisseron, a bien été auditionné, on peut penser, à lire l’ensemble du texte que les auteurs ont simplement négligé les apports de ce rapport et des écrits et propos qui ont suivi.

 

Une absence de véritable vision : les points aveugles

 

Le rapport commence par une imprécision de citation « fait social total » dont l’auteur initial, Max Weber, n’est bien sûr pas cité…  d’ailleurs le rapport ne comporte aucune bibliographie ou webographie explicite. Cela aurait pu permettre d’en mesurer la qualité, au-delà des personnes et institutions auditionnées….  Ce qui manque en premier dès l’introduction du document c’est l’absence d’analyse de la place du numérique dans la société qui se imite ici à un constat d’évidence :  « il  est  devenu omniprésent, indispensable dans la vie usuelle de tous les citoyens. ». Or c’est de là doit partir toute réflexion sur le sujet. Les mécanismes sous-jacents à cette évidence, qu’il faut certes constater, sont pourtant à la base de toute vision qui pourrait ensuite permettre de donner des axes de travail (et non pas uniquement des préconisations court-termistes. Parmi ces mécanismes, il y a bien sûr un projet politique global, basé sur un libéralisme individualiste qui favorise le développement et l’appropriation des technologies numériques dans le quotidien. Il ya aussi un projet économique fondé sur des modèles d’entreprises surpuissantes qui croisent et parfois collaborent avec des pouvoirs politiques. De plus, il y a un projet psychologique et sociologique « d’assujettissement » de la population à des utilisations des ces technologies, fondé sur l’utilisabilité et la facilitation. En l’absence d’une analyse critique de ces éléments ce rapport semble bien « vide de sens ».

 

Vers une société de contrôle et de répression, mais pas de réelle prévention

 

La suite du rapport est axée sur la jeunesse, l’éducation et parfois les parents… La ligne de force qui sous-tend le rapport est celle qui se fait jour depuis quelques années : méfiance, contrôle mais acceptation sans réserve. Pour le dire autrement, le contraste est important entre d’une part un monde d’adultes qui fait la part belle aux technologies numériques et une éducation qui se devrait protectrice voire coercitive, en particulier pour les plus faibles socialement et économiquement citoyens de nos sociétés. On peut d’ailleurs lire ceci à la fin de l’introduction : « mettre en évidence le fait que l’Éducation nationale ne peut, à elle seule, compenser les défaillances éducatives des parents, qui n’ont pas toujours pris la mesure des risques que peuvent encourir leurs enfants en ligne ». Ajoutant quand même que : « l’éducation au numérique doit être l’affaire de la société dans son ensemble. « . Pour le dire d’une autre manière, les auteurs de se rapports confirme un aveu d’impuissance que la liste finale des préconisations confirme en grande partie. Nous sommes un (le ?) pays des « inégalités éducatives » constatées dans les études sur l’éducation (PISA, PIRLS etc…) et nous ne nous engageons pas sur la voie de la réduction des inégalités les plus criantes de nos sociétés occidentales contemporaines… On pourra toujours penser que les inégalités sont inévitables voire inscrites dans la normalité des sociétés humaines, mais cela n’interdit nullement de tenter de lutter contre et d’éviter de faire un moyen technique une autre levier des inégalités. Après le lire, écrire compter qui s’exprime dès 1791, le pouvoir du livre s’installe ensuite pour définir de nouvelles frontières culturelles, désormais c’est le numérique qui définit de nouvelles frontières sociales et culturelles et il entérine les inégalités sociales (on peut consulter à ce sujet les propos sur la vulnérabilité ou la fragilité numérique).

 

Et pourtant, tous les rapports ouvrent des horizons

 

L’intérêt de ce rapport réside surtout dans les questions qu’il soulève et non dans les réponses qu’il y apporte. On est édifié de voir qu’il semble que l’on manque d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs fiables et robustes en particulier de la part de l’institution elle-même. Malheureusement le rapport fait un peu l’impasse sur les travaux scientifiques menés depuis de nombreuses années qui, bien que sujets à des controverses (ce qui est le propre de la recherche qui avance), donnent des indications qualitatives intéressantes et permettent d’éviter les généralités. À propos des ressources, ce rapport confirme notre récente chronique du Café Pédagogique sur les ressources. Cela se confirme à propos des travaux scientifiques sur la question de la nocivité des écrans. En appelant à une conférence de consensus sur les dangers des écrans et plus généralement le numérique, sur les enfants les auteurs montrent bien qu’il y a là un espace de controverse et de débats qui est d’ailleurs amplifié dans les médias en particulier. A propos de la violence et de la sexualité et d’autres dérives, il aurait été préférable que les auteurs du rapport s’interrogent sur « l’exemplarité » du monde des adultes dont le monde politique est parfois le miroir déformant…. en plus de s’interroger, il aurait été nécessaire d’engager une vraie réflexion sur la culture et les usages du numérique au quotidien dans une société dans laquelle les formes de la « concurrence » sont en permanence présentes.

 

Quand le transversal est déconsidéré au profit du découpage disciplinaire

 

En revenant sur le thème de l’enseignement, les auteurs du rapports ne sortent pas de l’idée des « heures de cours » qu’il faudrait imposer dans les programmes : heures de numérique, heures d’Éducation au Média, heures d’éducation à la citoyenneté…. En appelant à ne pas faire de la transdisciplinarité, ils en oublient un élément essentiel que constitue la « cohérence éducative du monde des adultes ». Au sein d’une équipe éducative, est-il possible qu’il y ait autant de pratiques et de différences entre les uns et les autres et qu’elles ne soient jamais discutées au sein de ces communautés… Mais ce que les auteurs oublient aussi c’est qu’il ne suffit pas d’un enseignement plus ou moins spécifique pour répondre à des problématiques sociales transversales. Ici il ne s’agit pas d’un ensemble de savoir qu’il faut connaître, mais bien plus le développement de la possibilité pour chacun de « faire face » à l’attendu et l’inattendu informationnel avec les moyens suffisants pour les « mettre en questions ». En parlant de saupoudrage, le rapport veut nous faire croire qu’il s’agit d’un ensemble cohérent qui serait émietté alors qu’il s’agit d’une complexité à laquelle il faut s’éveiller. À juste titre le rapport met en question la multiplication des éducations à dont on connaît le peu d’efficacité réel. Cela n’empêche pourtant pas l’incohérence d’un discours qui reprend ensuite cette appellation d’éducation à alors qu’il vient de fustiger cette expression au profit d’un enseignement !!!. Cependant, incapable de donner une définition précise, les auteurs écrivent pourtant « Les rapporteurs insistent sur la remise en, cause nécessaire de la dimension transversale de l’éducation au numérique. » On le constate à la suite de la lecture, le flou et l’imprécision du propos tient en fait à l’objet lui-même que l’on ne peut réduire à un « objet de savoirs » pas plus qu’à un « référentiel de compétences »… et donc qu’il est incompréhensible de vouloir rapporte à une discipline d’enseignement à part.

 

Questions de culture sociale

 

La suite du rapport concerne plus globalement la société dans son ensemble, ou au moins le tente, à propos de « VERS UNE IMPLICATION PLUS STRUCTURÉE DE L’ENSEMBLE DE LA SOCIÉTÉ POUR ÉDUQUER LES ENFANTS AU NUMÉRIQUE ». Cela confirme notre approche précédente sur l’absence de vision. Il se situe comme « sachant » pour d’autres qui seraient « ignorants »… Ce surprenant passage survient alors : « Afin d’éduquer efficacement les enfants au numérique, il est absolument crucial que le monde dans lequel ils évoluent soit également formé sur ces question ». De quoi parle-t-on exactement quand on évoque cela ? Le rapport tente une approche en « dézoomant » en partant de l’Éducation Nationale puis se tournant vers les parents pour passer par les producteurs de contenus puis les plateformes pour enfin se tourner vers l’État, sorte de boite magique que l’on met en avant quand on ne peut rien proposer d’autre qu’une « réglementation ». On en revient alors à la question centrale du moment : les logiques de pilotage du développement à l’oeuvre au coeur du numérique sont devenues incontrôlables. Alors, plutôt que de s’interroger sur ce qui a produit cela, sans le remettre en question (voir le début de notre article), on préfère d’abord réglementer (en espérant que ça marchera alors que l’internationalisation du numérique n’est qu’un des éléments plus vastes de la mondialisation dont nous commençons à peine à mesurer l’impact). Nous avons affaire aussi bien à du commercial que du politique, mais aussi du culturel et du social…

 

Malheureusement…

 

Encore un rapport qui va tomber aux oubliettes… Il va surement soutenir les volontés réglementariste du législateur et donc l’émergence de nouvelles lois (d’ailleurs largement inapplicables…). En oubliant une critique socio-historique de cette question qui a émergé au début des années 1980, le rapport d’information parlementaire reste donc simplement un regard d’étape, mais pas un étayage de fond sur la question du numérique. On sent bien que le politique est très en décalage par rapport à la réalité du numérique dans la société mais aussi dans le système scolaire. Déplorant pour commencer l’absence de chiffrage clair et précis, les auteurs auraient mieux fait d’examiner ces points pour faire évoluer leurs représentations. Il serait bien, aussi, que les élus et les responsables institutionnels sortent de leur « cocon » qui ne leur fait voir de la réalité que ce qu’on veut bien leur montrer (cf. certains passages d’auditions). Trop souvent il faut satisfaire l’autorité en place si l’on ne veut pas être « marginalisé ». Certains chercheurs en ont et continuent d’en faire les frais, certains médias en sont aussi là : écoutés par les acteurs, surveillés par les décideurs… mais rarement suivis dans leurs travaux qui s’inscrivent dans le temps long alors qu’un tel rapport s’inscrit dans le ici et maintenant de la politique actuelle !!!

 

A suivre et à débattre
BD

Le « commentariat » un mal profond, entre la cour d’école et le café du commerce

La lecture de cet article publié récemment sur le site Usbek&Rica vient en renfort de mes précédents articles sur le sujet ou proches. Le terme « commentariat » (https://usbeketrica.com/fr/article/le-commentariat-plaie-des-medias-ou-nouvelle-conversation ) y est présenté et analysé, certes un peu trop rapidement, mais de manière suffisamment claire pour y retrouver le sens de cette évolution dans les manières qu’à chacun et chacune de nous de s’exprimer dès lors qu’il en ressent « l’envie ». Enfants, dans les cours de récréations et dans les couloirs des établissements scolaires nous étions prompts à « commenter » nos enseignants, nos résultats, les autres élèves. Adulte, c’est au café du commerce ou parfois dans les « salons » que l’on se livre à ces commentaires sur tout et n’importe quoi. En vieillissant, le commentaire fait partie de la manière dont on regarde et apprécie ce monde qui prend place à la suite de celui de notre jeunesse, de notre passé récent. Pour le dire d’une autre manière, nous sommes enclins à commenter tout et n’importe quoi, cela semble être une réaction humaine « de base », « fondamentale » diraient certains. L’article qui suscite ce « commentaire » ou plutôt cette « analyse » (relisez l’article et vous comprendrez), évoque la responsabilité du monde médiatique et de la presse en particulier. Avec le courrier des lecteurs, on peut lire nombre de commentaires, filtrés, bien sûr, mais aussi encouragés par le milieu journalistique qui déclare avoir besoin de « clients » pour accompagner l’information. Soit le client témoin sur place, soit l’auto-expert désigné invité à exprimer ses commentaires.

 

Formes médiatiques et commentariat

 

C’est alors qu’intervient l’évolution des formes médiatiques qui amplifient ce mouvement de commentaires : d’une part, les chaines qui diffusent en continu ont besoin de meubler les faits par l’apport des commentaires qui permettent de maintenir un niveau de pression sur le spectateur. Il faut bien sûr avoir de « bons clients » et suffisamment nombreux pour meubler : soit le micro/caméra trottoir, soit l’expert désigné comme tel… Une autre évolution de la forme médiatique est d’abord technique en permettant à chacun et chacune de faire ses commentaires, via le web. Au courrier des lecteurs soigneusement trié, se substituent les « commentaires » plus ou moins filtrés, quand il ne s’agit pas purement et simplement d’un échange de commentaires entre les journalistes et les lecteurs/auditeurs. Plus encore, les fameux réseaux sociaux numériques ont ouvert des espaces d’expression dont se sont emparées nombre de personnes aussi diverses dans leur intérêt que dans leur pertinence. Le triomphe du commentaire, court en particulier, est tout à fait impressionnant. Étonnant de voir, comment une petite phrase de commentaire bien sentie est aussitôt lue et relayée. Alors que les textes un peu denses, longs sont la plupart du temps ignorés. Comme nous l’écrivions récemment, désormais pour exister, il faut commenter…

 

Rumeur, complot, fausses nouvelles, le spectacle de la parole

 

Une analyse proche nous vient d’un tout autre univers, celui d’un aventurier et alpiniste : Rheinold Messner écrit en 2015 : « Mais notre capacité d’empathie diminue aujourd’hui car on ne communique plus face à face. On est de plus en plus arrogants, au risque de favoriser l’émergence de sociétés antilibérales et antidémocratiques. Internet a fait naître quantité de nouvelles formes de relations. Les gens sont devenus plus narcissiques. En ligne, on peut se mettre au centre de tout, ou bien exercer son pouvoir en injuriant qui que ce soit. Cette forme de narcissisme, jadis le fait des seigneurs et des puissants, s’est répandue dans le monde entier via la Toile. L’individu se croit unique et fort, et cette outrecuidance déshumanise la société.  » (Sur-Vivre, Glénat 12015,  p. 193). Cette évolution prend tout son sens désormais et nous sommes devant des faits qui ne peuvent qu’inquiéter. Faut-il alors éduquer au commentariat ?

 

Il semble bien que le « commentaire à l’emporte-pièce » soit un fait très largement partagé dans la population. La violence des propos tenus dans des cercles privés, des cours de récréation, des comptoirs de bistrot et parfois des salles des professeurs se propage aussi sur Internet. Et ce sont parfois les mêmes qui utilisent ce vecteur pour exprimer, brièvement, leur ressenti via les réseaux sociaux numériques. Dès lors le spectacle donné à tous, et en particulier aux enfants, aux jeunes, par imitation les amène à adopter ce mode d’expression. Comment, dans un tel contexte, peut-on amener un jeune à « mesurer » et « modérer » ses propos, en privé comme en public ?

 

Apprendre à choisir la forme d’expression

 

Apprendre d’abord à percevoir les formes de réceptions possibles de ces commentaires. À partir d’un ensemble de propos tenus à la suite d’un article ou d’un propos sur un réseau, recueillir toutes les remarques, tous les commentaires et les catégoriser. Selon le travail engagé, on peut soit demander aux jeunes d’évaluer la pertinence, la force, la violence etc… soit de rédiger des commentaires en retour de commentaires existants pour ensuite débattre collectivement des choix faits et des propos tenus. On peut plus simplement demander de hiérarchiser les commentaires selon un degré d’agressivité, de violence ressentie de manière d’abord individuelle puis de comparer en petit groupe les écarts.

Apprendre à commenter en se basant sur des formes imposées par la personne qui pilote le groupe : commentaire positif, encourageant, sceptique, négatif, agressif etc… Il s’agit alors d’amener les jeunes à confronter leur perception, voire leur émotion, dans un exercice de commentaire. Les commentaires sont effectués sous une forme qui peut être imposée. C’est le cas des réseaux sociaux qui fixent des règles d’écriture et de possibilité de commentaires. Cela peut aussi se traduire par des exercices d’écriture à format contraint, pas uniquement court.

 

La question du fond, de la valeur des commentaires

 

Au-delà des pratiques éducatives sur la forme, il y a les pratiques sur le fond, c’est-à-dire fondées sur la qualité d’un commentaire. Cela suppose une capacité réflexive que l’on peut parfois imposer soit en interdisant l’immédiateté, soit en imposant le partage avant publication. Il peut être intéressant de travailler sur la question de la modération des commentaires. D’une part en identifiant et mettant en oeuvre des règles de modération existantes, d’autre part en analysant des modérations effectuées par tel ou tel site. Le sens des commentaires et la valeur attribuée à chacun par un modérateur est un bon indicateur pour comprendre les problèmes posés par les commentaires.

Enfin une question mérite d’être abordée : celle du vécu des commentaires entre jeunes. Quand un jeune disait « il m’a traité » pour se plaindre d’une injure ou d’une remarque il signifiait clairement son rejet du commentaire. Parfois cela peut aller jusqu’à des violences physiques faisant suite à des échanges verbaux agressifs. Apprendre à ressentir, à réagir, à mettre à distance est un travail complexe qui est aussi un travail sur soi. Les adultes, comme les jeunes ont beaucoup de mal à aborder cette pratique, du fait d’une exacerbation, d’une mise en avant, d’une valorisation du « commentaire ». On retrouve ici les questions soulevées dans l’article qui a suscité ce billet. La dérive actuelle vers le commentaire sans retenue mérite qu’un travail éducatif soit engagé et qu’il implique aussi les responsables politiques (cf les débats de l’Assemblée nationale et les suites en ligne). Car ce sont bien les adultes qui montrent ce chemin qui, si l’on en juge par l’analyse citée ci-dessus, risque nous amener sur des chemins d’une société déshumanisée !!!

 

A suivre et à débattre, mais pas à commenter…

BD

Autorité versus légitimité, quelle politique éducative à l’ère du numérique ?

Le nouveau ministre de l’Éducation a, lors de son discours de  prise de fonction, évoqué d’une part la question de la restauration de l’autorité et de l’autre celle des fondamentaux. Manifestement, ce ne sont pas des débuts brillants et enthousiasmants, tant ils ne sont qu’un écho des paroles ministérielles prononcées depuis de nombreuses années. L’impression qui transparaît au travers de ces discours c’est une méconnaissance profonde du processus éducatif. On peut aussi évoquer les propos récents sur la parentalité défaillante tenus à la tête de l’État. Ce que l’on ressent c’est donc une incompréhension basée sur une ignorance de ce qui se passe au quotidien dans la vie d’une partie importante de la population. C’est d’ailleurs cette population qui s’interroge sur l’école et plus généralement sur l’éducation comme s’en font l’écho plusieurs articles récents de la presse écrite.

 

Une question de légitimité ?

 

Plutôt que l’autorité, il faut travailler la légitimité. Plutôt que les fondamentaux, il faut travailler l’essentiel. Pour le dire autrement, alors que l’on nous a « saoulés » avec « l’école de la confiance » depuis 2017, sans jamais aller y voir de plus près, c’est cette confiance qui a été perdue. L’écart entre les propos et les faits est devenu un gouffre, comme l’écart entre un système scolaire, la société et une partie de sa population. On entend déjà les amateurs de fondamentaux remonter au créneau en s’appuyant sur l’idée de connaissances par lesquelles il faudrait commencer, et cela dès la maternelle. Celle-ci étant devenue l’antichambre du primaire et des apprentissages scolaires. Car c’est le rejet et l’ignorance des autres apprentissages effectués par les enfants dès leur plus jeune âge qui amène « ceux qui savent » à décréter des listes de fondamentaux qui devraient s’imposer aux enfants et être en rupture avec ces autres acquisitions issues du milieu de vie. Condorcet avait déjà évoqué cette question, mais il avait été prudent : partagé entre l’ignorance entretenue par ceux qui savent et l’ignorance entretenue par la pauvreté et la vie familiale, il avait tenté de définir un espace social basé sur la formation tout au long de la vie (cf. Joffre Dumazedier).

 

La question de la pauvreté sociale

 

Il faut rappeler ici le fait signalé récemment par l’INSEE (juillet 2023 enquête de 2022) : « 14 % de la population de France métropolitaine est en situation de privation matérielle et sociale » (https://www.insee.fr/fr/statistiques/7651550 ). En déroulant cette analyse et en la rapprochant d’autres études, on peut s’inquiéter. Le baromètre du lien social (Ipsos Sopra Steria https://www.ipsos.com/fr-fr/barometre-du-lien-social-quest-ce-qui-unit-les-francais-en-2023 ) publié en 2023 met en évidence les ruptures au sein de la société et confirme d’une autre manière les inquiétudes à propos de la pauvreté. On ajoute à cela l’enquête de 2021 publiée en juin 2023 qui parle de 15% de la population en situation d’illectronisme (2021 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7633654 ) et l’on ne peut que constater le fossé qu’il y a dans notre société. C’est aussi le constat d’une urgence sociale qui ne peut être négligée et qui fait le lit de certaines idées extrémistes qui pourtant ne portent aucune solution pour améliorer les choses. Certes, les résultats en lecture lors de la JPC sont inquiétants (plus de 11% des jeunes en difficulté de lecture – déchiffrage et compréhension), incitent à prioriser le développement de cette compétence, mais aujourd’hui lire s’effectue aussi sur des supports nouveaux et multiples et cela transforme l’analyse (en particulier la question des images et de vidéos voire des podcasts)

 

Et les possibilités numériques en éducation ?

 

Le prisme du numérique éducatif est intéressant pour aborder ces questions. Rappelons que le B2i a été créé en novembre 2000, mais la mise en œuvre réelle n’a jamais été à la hauteur des ambitions qui le portaient, alors qu’il y avait déjà urgence. Manifestement le milieu scolaire a escamoté le débat justement à cause des « fondamentaux ». Ce propos constitue, certes un raccourci dans l’analyse, mais il vise à montrer ce que sont les priorités pour chacun et comment on peut choisir les siennes plutôt que celle des autres. L’institution ayant d’ailleurs favorisé ces pratiques sur ces fondamentaux en laissant de côté cette urgence sociale au profit des habitudes scolaires (celles des enseignants et des familles). Il est plus facile de se replier sur l’avant que d’envisager ce que peut être l’avenir. Les concepteurs du B2i, puis ceux du socle, ont probablement voulu porter une vision sur les essentiels et pas sur les fondamentaux, c’est ce qui a entraîné leur mise de côté… Les essentiels c’est ce qui doit rester quand on a fini un itinéraire d’apprentissage, alors que les fondamentaux sont ceux par quoi il faudrait commencer, en pensant que si l’on commence par là, cela restera pour toute la vie. Cela ne marche pas ! il suffit de faire sa propre évaluation des savoirs pour le comprendre. Cette confusion est celle qui empêche toute évolution en lien avec l’évolution de la culture à l’ère numérique.

 

Quand la puissance publique veut se substituer aux parents !

 

À la différence d’une partie des contenus des disciplines scolaires, les moyens numériques touchent d’abord et de plus en plus directement la vie sociale, ignorant en grande partie les cadres académiques et institutionnels. Cette concurrence est souvent associée aux dérives observées et médiatisée, vouant aux gémonies toute initiative globale autour d’une place à donner aux questions numériques en éducation. La volonté récente des chinois de limiter les usages du numérique chez les enfants (https://www.radiofrance.fr/franceinter/reduire-la-dependance-aux-ecrans-la-chine-veut-drastiquement-limiter-l-acces-des-jeunes-a-internet-4985106) s’inscrit dans la même logique : l’état entend faire « autorité » car les familles ne le font pas. La lecture de certains débats récents à l’assemblée à propos des lois de protection des enfants va dans le même sens : puisque les parents ne font pas, faisons le à leur place : l’appel aux fondamentaux et à l’autorité relève de la même logique. Sauf que cela ne marche pas comme ça. C’est une vision réductrice d’un problème plus global incarné par la baisse de légitimité de l’école depuis la fin du XXè siècle. Ceci se trouve illustré, entre autres, par les travaux sur l’histoire de l’école menés par Guy Vincent et ses collègues. Outre une forme scolaire, c’est une vision uniformisée liée à une approche sociologique globale qui met de côté les problèmes réels au profit d’une approche égalitariste globale qui est fortement ancrée dans la culture scolaire de la population. Cela va jusqu’à l’acceptation, par certains, de ce déterminisme social que l’on voit réapparaître de manière de plus en plus explicite en ce moment.

 

Faire de l’espace scolaire un lieu « d’en-vie » !

 

Comment envisager l’avenir dans ces conditions ? Comment peut-on renverser ces logiques ? En réinterrogeant la forme scolaire et en engageant une révision culturelle globale autour d’un système scolaire, de l’école. L’idée qui devrait prévaloir est celle de redonner « envie » ou plutôt de faire en sorte que les lieux d’éducation soit aussi des lieux « d’en-vie » !!! Oui il faut désigner les essentiels, encore faut-il les faire partager par l’ensemble de la population. Ces 15% de la population qui sont mis de côté sont ceux qui sont le plus difficile à atteindre car, pour eux, l’essentiel est la survie au quotidien. Lors de la crise sanitaire, on a pu ouvrir le couvercle de cette boîte des conditions de vie au quotidien, mais on s’est empressé de la refermer sitôt le virus éloigné. Or on a pu mettre le doigt sur ces inégalités pour lesquelles les moyens numériques tiennent désormais une part suffisamment importante pour qu’on s’y arrête un peu. Mais non ! le ministre ouvre son mandat par ce qui n’est que du discours politique sans analyse de fond et surtout sans vision. On ne sera pas étonné de cela, tant les pouvoirs qui se sont succédé depuis longtemps ont oublié, comme le dit l’UNESCO, que l’éducation s’inscrit dans le temps long et qu’elle est en opposition avec des visions court-termistes, et il en est de même pour le numérique éducatif depuis plus de 50 ans !!!

A lire et à débattre

BD

Remise en cause du numérique éducatif par l’UNESCO

Intitulé « Les technologies dans l’éducation, QUI EST AUX COMMANDES? » ce « rapport mondial de suivi sur l’éducation » proposé par l’UNESCO (liens en base de page) mérite notre attention. C’est une approche globale, mondiale, que celle proposée par l’UNESCO qui remet en cause les politiques et les actions menées dans le domaine du numérique éducatif. Nos décideurs pourront surement penser que ce rapport ne les concerne que pour ce qui va bien. Et, pourtant il serait nécessaire d’examiner l’ensemble des remarques faites dans ce rapport pour évaluer ce qui se passe réellement dans nos écoles et au-delà. Nous proposons ici d’extraire plusieurs remarques (appelées messages clés par les auteurs) de ce texte pour les mettre en perspective face à notre contexte français et/ou ouest-européen. Les 6 points présentés ici sont autant d’analyses qui amènent à prendre du recul sur la place à donner aux technologies en éducation en regard de l’ensemble des priorités éducatives actuelles.

 

1 – On manque de données solides et impartiales sur l’impact des technologies éducatives.

Rejoignant les travaux des chercheurs la question des effets de l’utilisation des technologies éducatives sur les apprentissages est d’autant plus difficile à évaluer que les conditions de mise en oeuvre sont extrêmement variables d’un contexte à l’autre. l’UNESCO dénonce aussi la cacophonie des publications et autres propos sur le sujet qui sont le plus souvent réalisées soit par les entreprises elles-mêmes soit financées par celles-ci. Outre la qualité scientifique difficile à évaluer, il y a surtout les « a priori » des acteurs sur les bienfaits ou non des technologies éducatives… pour le dire autrement même les décideurs et leurs relais institutionnels sont très influencés par le volontarisme positif sur le sujet. Toutefois, des voix dissonantes qui se font entendre sont aussi empreintes de parti pris divers et s’ils sont parfois fondés scientifiquement, ils rejoignent la cohorte des incertitudes nombreuses autour de l’effet des technologies éducatives sur les apprentissages. Et c’est sur ce dernier point que les questions doivent être aussi posées : de quels apprentissages parle-t-on ? Quelles formes d’évaluation sont utilisées ?

 

2 – La technologie offre une bouée de sauvetage éducative à des millions de personnes, mais en exclut bien d’autres.

L’utopie d’Internet a rejoint celle de l’informatique des années 70 – 80 : une révolution dans l’accès au savoir et une ouverture pour tous. L’histoire semble se répéter inlassablement dès lors que l’on évoque les questions liées au « partage » dans la société. Ce sont donc ceux qui ont et ceux qui savent qui dominent (ce que déplore Condorcet en 1791). Malgré les prises de conscience des politiques, les utopies de rêveurs, le système ne s’est pas renversé. L’accès à l’informatique et à Internet a d’abord été le fait des catégories sociales favorisées. Pour asseoir leur domination, ces catégories ont encouragé l’adoption par tous des moyens techniques numériques. Les entreprises du secteur ont bien vite compris l’intérêt financier de ce mouvement. Dans le même temps, la domination s’est déplacée de la possession à l’usage. C’est désormais dans ce deuxième registre que se développent les inégalités, non seulement entre pays, sociétés, mais aussi au sein même de nos lieux de vie.

 

3 – Certaines technologies éducatives peuvent améliorer certains types d’apprentissage dans certains contextes.

On retrouve ici ce que des chercheurs et des praticiens ont pu mettre en évidence  depuis plusieurs années. L’idée d’une amélioration, d’un enrichissement, d’une augmentation est à la base d’enthousiasmes, parfois naïfs, face aux technologies informatiques en éducation. Elles sont en particulier fondées sur la métaphore ou l’analogie de l’ordinateur et du cerveau. Toutefois, la formulation de cette assertion amène à deux interrogations : quels types d’apprentissage ? et quels contextes ? Il est intéressant de noter que les mathématiques sont le plus souvent convoquées pour illustrer cela. La proximité de cette discipline avec celle de l’informatique n’est pas totalement étrangère à cela. Mais la notion de type d’apprentissage peut aussi s’appliquer à de conceptions du fonctionnement mental en particulier dans le domaine de l’entraînement mental que constitue la « répétition » considérée parfois comme la base de tout apprentissage (cf. l’apprentissage dit « par coeur »). Quant aux contextes, il faut aller dans une salle de classe pour le comprendre. Si l’on compare l’activité d’un enseignant passionné de technologies avec un autre enseignant plus distant, outre l’effet pygmalion, il y a surtout une relation aux directives et aux moyens disponibles qui expliquent les possibles améliorations ou non.

 

4 – La rapidité de l’évolution des technologies complique l’adaptation des systèmes éducatifs.

Dès le début des années 1980, lors des premiers équipements massifs des établissements scolaires en matériel informatique, la question de l’obsolescence et donc de la mise à niveau des matériels et des logiciels s’est imposée. Les entreprises du secteur, portées par les recherches et par un potentiel marché ont rapidement mis en place une culture de l’évolution : il faudrait suivre les évolutions et constamment se mettre à jour, fondé en partie en cela par la loi de Moore sur la multiplication par 2 de la vitesse des processeurs et leur miniaturisation. Comparer un smartphone de dernière génération à un ordinateur distribué dans les classes en 1985 permet de mesurer cette évolution constante. Outre l’envie de suivre, la nécessité d’adaptation a été fondée aussi sur l’épuisement des ressources anciennes qui ne sont plus utilisables pour les nouvelles générations de machines (de leurs systèmes) et inversement. Le système éducatif ne parvient pas à suivre, lui qui est amené à vivre dans une forme de stabilité, une forme de lenteur pour faire face aux turbulences du monde environnant. Les enseignants ont souvent signalé cette difficulté qu’ils ont traduite par un attentisme et une défiance relative : il faut s’adapter, disent-ils, mais les enfants et les programmes eux, ne changent pas à la même vitesse. Les écarts de temporalité sont importants, mais cela ne freine pas les entreprises du secteur portées par un impératif économique à court terme.

 

5 – Le contenu en ligne s’est développé en l’absence de réglementation suffisante concernant le contrôle qualité ou la diversité.

N’importe qui peut mettre à disposition n’importe quoi ! Les tentatives successives de réglementation, de normalisation (label RIP et récemment GAR – indirectement) se heurtent à une réalité du web. La libre consultation et la libre publication sont à la base de l’impossibilité de contrôle. D’autant plus que dans un système centralisé comme celui de la France, ce contrôle est soumis à une hiérarchie que les acteurs de base sont souvent enclins à critiquer et à contourner au nom, parfois, de la liberté pédagogique inscrite dans la loi. L’UNESCO, comme nombre de pays, ne parvient pas à sortir de cette idée de contrôle a priori. Or le monde de l’éducation est un monde de controverses et de vérités scientifiques très fragiles. Si les manuels scolaires ont été contrôlés par leur acceptation du respect des programmes, le web est lui ouvert à toutes les initiatives. La multiplication des offres de contenu, de ressource est le reflet de nos sociétés en concurrence (cf les GAFAM ou les EdTech). Du particulier aux multinationales, chacun y va de ses propositions. Cela renvoie donc à l’enseignant la culture du « contrôle qualité » des ressources et contenus qu’il utilise. Ont-ils les moyens culturels et scientifiques de le faire ? Y sont-ils formés ? Quid de cette question dans une institution riche d’une culture descendante : Conseil Scientifique, Inspection Générale, Rectorats et autres inspecteurs (trices).

 

6 – Les technologies sont souvent achetées pour combler une lacune, sans s’interroger sur les coûts à long terme…

Le terme lacune recouvre des réalités multiples. La première est celle des équipements. C’est pourquoi la multiplication des distributions d’équipements est emblématique de ces politiques de dépenses. La base de ces choix est celle de la fracture d’équipement (cf la crise sanitaire). Mais cela est sans compter les évolutions d’équipements (passage de l’ordinateur au smartphone pour les plus défavorisées) et leur obsolescence programmée. Désormais la question semble se tourner vers les ressources. Là encore, les tentatives connues depuis de nombreuses années montrent qu’il ne suffit pas de mettre à disposition pour qu’il y ait utilisation voir usage. Désormais, la question de fond est celle de la culture. C’est-à-dire, sur le long terme, les décideurs, soutenus par les entreprises du secteur n’ont pas de vision à long terme : entre évolutions techniques et propositions à visées électoralistes, les choix faits sont très situés, conjoncturels. On s’étonne d’ailleurs de l’amnésie dont font preuve nombre de promoteurs de ces technologies et de leur renouvellement. Alors que certains pays voient apparaître des dérives (cf. La Chine en cet été 2023) et sont tentés d’encadrer (cf. La France et la protection des enfants), les politiques globales restent trop associées à des évènements du moment et ne portent pas un discours plus global. Même l’UNESCO est aussi pris dans ces dilemmes.

 

Conclusion

Chacun sera tenté de lire ce rapport pour amener des arguments à ses choix. Cependant, reconnaissons à ce document de poser quelques bonnes questions qu’il faudra travailler rapidement. En France, l’opération Territoires Numériques Éducatifs devrait être interrogée à l’aune de ces questionnements. De même la stratégie du numérique éducatif présentée en janvier 2023 mériterait un examen approfondi en regard de ces critiques de l’UNESCO. On ne peut que craindre que la question de fond, la question culturelle, soit encore une fois mise de côté au profit des sujets dits « fondamentaux ». Comme s’il suffisait de savoir lire et compter pour comprendre le monde dans sa complexité.

 

 

Sources à consulter

« Rapport GEM 2023 : Les technologies dans l’éducation, QUI EST AUX COMMANDES?  » le résumé est accessible ici https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000386147_fre , le rapport complet ici:  https://www.unesco.org/gem-report/fr/technology   (accessible en entier ici en anglais https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000385723 )

Exister, s’exprimer, être reconnu, le mal du XXIè siècle ?

Il semble bien que nombre d’adultes se soient approprié le mal du siècle : exister ! Alors que le monde occidental en particulier semble se libéraliser, s’individualiser, nombre d’humains pensent qu’il leur faut exister, mais surtout prouver qu’ils existent dans un monde numérisé. Pour cela, plusieurs stratégies et modes d’action se développent. Réagir à l’instant, rédiger un propos court jugeant, énoncer une critique acerbe, attaquer personnellement, menacer… En tout cas la dimension percutante du message est nécessaire. Les médias traditionnels et les professionnels du journalisme ne dérogent pas toujours à ces manières de faire, mais les contiennent dans des limites légales tout en veillant à la dimension « commerciale du propos ». Un titre d’article, de reportage doit « accrocher », et, trop souvent ce à quoi cela renvoie est bien pauvre. L’exemple est donc là : agiter les émotions par des titres, même si cela ne recouvre qu’une modeste réalité. Il en est du même de la hiérarchisation de l’information. Il suffit de suivre dans le temps la place des sujets abordés pour s’en rendre compte. Certains drames humains à l’autre bout de la planète sont très vite remplacés,  en couverture, par un dysfonctionnement dans notre société. À tel point que l’on ne perçoit plus la réalité telle qu’elle pourrait être mais bien telle qu’on veut nous la montrer afin d’orienter nos jugements. Certes, dans des pays comme la France les professionnels s’en défendront autant qu’ils seront prompts à dénoncer les pratiques des pays autocratiques. Et pourtant…

Réseaux sociaux numériques et image de soi

La lente prise de pouvoir des réseaux sociaux numériques s’effectue avec la complicité, l’aide, le soutien de l’ensemble des médias anciens, ceux-ci ne voulant par perdre leur place dans le spectacle informationnel. La conséquence de cette évolution est aussi l’acculturation de nombre de personnes,  dont des éducateurs reconnus, que l’on pensait pourtant vigilante face à ces dérives, qui utilisent les mécaniques spécifiques des RSN pour penser exister : changer la photo de son profil, parler de son repas, de ses loisirs, de ses opérations chirurgicales et autres. On voit même certaines personnes commenter leurs propres publications pour augmenter leur « sentiment d’exister » appelé aussi « popularité. Cela est d’autant plus questionnant que ça constitue une sorte de pollution informationnelle par « saturation de soi ». À ces formes d’expression correspondent aussi des formes de lectures qui s’adaptent à cela et parfois transforment le lecteur en complice des auteurs, leur donnant ainsi leur légitimité en commentant de la même manière ces propos (cf. le nombre de vues d’une vidéo ou de commentaires d’un article).

La valorisation de l’individu commence à l’école !

Si nous sommes, chacun de nous, à la recherche d’un sentiment d’existence dans la société et auprès de notre entourage (proche ou lointain), c’est probablement aussi parce que l’ensemble des acteurs de nos sociétés nous y incitent, nous mettant parfois sous emprise ou devant une sorte d’addiction informationnelle. Comme de plus notre tendance habituelle est la recherche de la confirmation de ce que nous pensons et croyons, le mécanisme de renforcement agit de manière importante. Le monde de l’éducation, scolaire en particulier, est souvent critique face à ces manières de faire, mais en même temps il en participe jusqu’au coeur de la salle de classe. La valorisation de l’individu dans le cadre d’une forme de compétition participe aussi bien de cette fameuses nécessité de construction de soi que des rivalités entre élèves (qui ne sont pas nouvelles certes) mais qui sont exacerbées comme en témoignent la multiplication des propos et ouvrages sur le harcèlement (cyber ou non). C’est bien sûr au coeur du système scolaire que se trouve un des leviers puissants du besoin d’exister. La compétition se traduit dans l’orientation scolaire et l’accompagnement qu’en font les uns et les autres. Mais l’angoisse des jeunes et de leurs parents est aussi un élément à prendre en compte. Car pour exister, c’est l’insertion dans la société qui compte en premier. Ce qui suppose aussi de se construire personnellement non seulement dans les espaces de la scolarisation mais aussi en dehors. Certaines dérives, parfois d’ordre psychiatrique, démontrent qu’une personnalité fragilisée est particulièrement vulnérable du fait de ces nouveaux moyens.

Les adultes pris dans la nasse de le reconnaissance : en individuel et collectif

Les adultes renforcent bien sûr cette tendance, d’autant plus qu’ils en découvrent le potentiel, car la plupart n’ont connu Internet que récemment (vingt années ou moins). Et curieusement ce sont eux qui sont influencés par ce nouvel univers qui, soit par manque de connaissance ou de compétence, soit par fascination, les amène à développer eux aussi ces comportements. On est sidéré de lire les commentaires que peuvent faire certains internautes adultes suite à des articles de presse ou billets de réseaux sociaux ou autres vidéos. On observe que cette pratique qui semble individuelle s’effectue  aussi « en meute ». Comme si dans le collectif, l’individu pouvait disparaître dans le groupe tout en permettant de prouver son existence, profitant de l’effet de masse produit. Les adultes sont, eux aussi dans cette course d’existence, accompagnés en cela par les stratégies marketing qui s’appuient aussi sur ces moyens techniques, quand ils n’en vivent pas aussi. Le monde de la publicité sait habilement utiliser ces nouvelles formes d’être au monde pour inciter les potentiels « clients » à exister avec leurs produits, prolongés par leurs pratiques professionnelles de vente.

 

Si vous ne sortez pas de chez vous physiquement ni virtuellement, quelle perception du monde pouvez-vous avoir et quelle reconnaissance de votre existence pouvez-vous espérer ? Les périodes de crise ont été suffisamment révélatrices de cela en donnant aux moyens numériques la reconnaissance qui, certes, progressait, mais qui ont ainsi obtenus leurs lettres de noblesse. En amplifiant la possibilité d’exister les moyens numériques ont ouvert un champ de possible que la psychologie fera bien d’étudier, clinique ou sociale. Car aussi bien individuellement que collectivement nous avons changé nos modes d’exister, sans nous en rendre compte. Cela favorise bien sûr des inégalités qui sont bien plus que des fractures. C’est pourquoi, chacun est appelé à une réflexion éthique et personnelle sur la manière dont nous existons et cherchons à le prouver, le renforcer, le développer. C’est aussi dans les modes d’action collectifs que s’incarne l’existence individuelle et que chacun est amené à se situer voire à être reconnu sans être vu… Le nouvel anonymat se trouve aussi bien dans l’usage des moyens numériques que dans l’action de groupe. En se fondant dans la masse, l’individu semble d’autant plus avoir l’impression d’exister que le groupe lui renvoie une image valorisante et valorisée de son action individuelle.

Nécessité d’une remise en question collective

Les dérives actuelles autour des moyens numériques semblent signaler une évolution du collectif, du « faire société ». Nous tentons de réagir sans changer nos repères alors qu’autour de nous les changements se poursuivent sans pour autant modifier fondamentalement l’organisation de nos sociétés.  Car c’est le paradoxe du moment de vouloir à tout pris exister individuellement et d’utiliser les moyens collectifs. C’est un autre paradoxe que celui qui met en avant le souci de tenir un propos public et en même temps d’en refuser les conséquences. Le monde adulte a construit une société au milieu du Xxè siècle sans vraiment mesurer les conséquences de ses choix. Cette fuite en avant tente de nous faire exister individuellement, sans prendre la mesure des conséquences systémiques de nos actions, les usages des moyens numériques en sont une illustration.

A suivre et à débattre

BD

 

La place des écrans : points de vue et preuves

La publication de ce nouveau livre de la série « Mythes et Réalités » intitulé « les enfants et les écrans » (Coordonnné par Anne Cordier et Séverine Erhel, Retz 2023, https://www.editions-retz.com/enrichir-sa-pedagogie/mes-connaissances-educatives/les-enfants-et-les-ecrans-9782725643816.html ) rassemble un ensemble d’articles rédigés par des scientifiques et tout à fait accessibles à toutes les personnes qui veulent en savoir davantage. En proposant des affirmations à approfondir en se basant sur des travaux de recherche, ce livre fait « enfin » le point sur la question. La collection dirigée par André Tricot se caractérise par l’analyse des questions abordées, sans dogmatisme, et avec des conclusions qui incitent à ne pas se laisser entraîner dans les « à peu près » trop souvent médiatisés. Certains y cherchent des vérités définitives, mais loin de tout relativisme ces ouvrages, comme celui dont nous parlons, apportent surtout la « bonne distance » nécessaire au débat. En effet, avec pédagogie (les synthèses de fin de l’ouvrage ou la bibliographie abondante), l’ouvrage consacré aux écrans apporte des éclairages d’origines scientifiques diverses (sciences cognitives, sciences sociales, sciences de l’éducation et de la formation, sciences de l’information et de la communication).

 

Parmi les chapitres proposés, citons en particulier ceux qui concernent la relation entre numérique et apprentissage, numérique et culture des jeunes, développement et construction de la personne jeune. Les débats sur la place de toutes les sortes d’écrans dans la vie quotidienne sont davantage portés par des ressentiments personnels, des difficultés éducatives vécues, que sur des analyses approfondies. Saluons ici la qualité de cet ouvrage). Jadis, à propos de la télévision dans les années 1970 – 1980, la médiatisation l’emportait sur la raison (cf. « Les nouveaux modes de comprendre », MF Kouloumdjian, P. Babin, Bayard 1983), aujourd’hui rien ne semble changer comme on le voit aussi à propos des agents conversationnels (ChatGpt).

 

Oui mais, les médias sont friands de ce sensationnalisme

 

Un récent article du journal Le Monde ( https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/05/21/numerique-a-l-ecole-la-suede-juge-les-ecrans-responsables-de-la-baisse-du-niveau-des-eleves-et-fait-marche-arriere_6174171_3244.html   intitulé « La Suède juge les écrans responsables de la baisse du niveau des élèves et veut un retour aux manuels scolaires » réactive les débats sur la place à donner aux moyens numériques à l’école. Avec ce titre qui parle des « écrans » on entre de manière tronquée dans un débat qui est beaucoup plus large mais qui, ici, semble surtout empreint d’une vision politique du monde actuel et de ses évolutions, en particulier en Suède. En effet, après de nombreuses années d’encouragement dans les utilisations des moyens numériques à l’école par les gouvernements en place, des voix qui se sont élevées ont obtenu des retours positifs de la part de dirigeants situés sur la droite de l’échiquier politique. Il semble bien qu’il faille comprendre cette décision comme un choix lié aux comparaisons internationales d’une part, à des pressions de certains experts et/ou scientifiques, et à une conception éducative plutôt de type retour au temps d’avant, celui du papier : ils choisissent de remettre en place les manuels papiers.

Amalgame et politique

Malheureusement, l’article cité ne permet pas de voir clair dans les arguments des uns et des autres, associant les termes lectures, écrans, niveaux etc… C’est au coeur de cette phrase :  » C’est aussi en raison, selon elle, de l’omniprésence des écrans que les élèves ont perdu l’habitude de lire, que les enseignants utilisent des polycopiés (faute de manuels) et que les parents sont incapables d’aider leurs enfants. » que l’on perçoit cette analyse qui embarque nombre de questions. Mais comme d’habitude, deux dimensions sont mises de côté, au moins au travers de l’article, celui de l’évolution numérique du quotidien des sociétés actuelles et celui de la parentalité en difficulté face aux usages des moyens numériques.

Des choix et des contextes, les comparaisons internationales sont toujours à contextualiser

 

Si nous faisons un parallèle avec la France, nous nous rendons compte que d’une part le numérique y est nettement moins présent, en particulier dans les pratiques des enseignants (hormis les vidéoprojections, interactives ou non) et que d’autre part si les politiques vantent la nécessaire adaptation à un monde (économique) numérisé, la plupart des acteurs décisionnels sont dans un embarras face aux écrans de toutes nature comme en a témoigné la médiatique décision de JM Blanquer à propos des « téléphones portables » à l’école.  Cette décision est bien à inscrire dans le même mouvement que ce qui se passe en Suède, pays qui a promu une dynamique industrielle et économique forte autour du numérique avant de freiner pour l’école, mais la France est, à l’envers, en train d’essayer de s’installer dans le paysage industriel numérique, alors que les choix du numérique pour l’école remontent au début des années 1980, mais sans jamais rencontrer une adhésion générale. Il semble d’ailleurs qu’en Suède aussi, il y ait un écart entre les discours et les pratiques réelles. Seule nouveauté, le retour aux « livres scolaires » pour lutter contre les moyens numériques d’une part, mais aussi les photocopies d’autre part. Ces dernières sont d’ailleurs une question récurrente pour les gestionnaires, aussi en France, qui voient, eux aussi, la facture des photocopies rester très élevée.

Les usages numériques dans la population : complexité ? Pour aller plus loin dans la réflexion

 

La décision de la Suède, si tant est qu’elle soit effective et mesurable réellement, risque d’avoir un écho médiatique aussi chez nous. Car le débat reste vif et la réalité des pratiques très contrastée et surtout rarement approfondie, même par les chercheurs… de manière suffisamment ouverte pour mettre de nombreux paramètres sur la table, préférant souvent analyser tel ou tel aspect sans prendre en compte les contextes, aussi bien personnels (familiaux) que professionnels (emplois et administration) si tant est que ce soit possible. La lecture de l’ouvrage coordonné par Anne Cordier et Séverine Erhel vient combler ce manque qui, souhaitons-le, amène à d’autres publications pour permettre à chacune et chacun de s’y retrouver.

 

 

Liste des questions abordées dans le livre « les enfans et les écrans » :

 

  • Les écrans altèrent le développement de l’enfant et de l’adolescent
  • L’usage du numérique favorise le développement de troubles neurodéveloppementaux
  • L’usage du numérique fait diminuer l’intelligence des enfants et des adolescents
  • Les écrans altèrent les relations au sein de la famille et déstabilisent la parentalité
  • Les jeux vidéo sont nuisibles par la santé physique et psychique des enfants et des adolescents
  • Les jeunes sont crédules face aux écrans
  • Les écrans sont responsables d’une inculture adolescente
  • Les dispositifs numériques sont inefficaces pour apprendre
  • Apprendre en s’amusant avec le numérique est un mirage
  • Les réseaux sociaux altèrent les liens sociaux des adolescents

 

A suivre et à débattre

BD

Intention, violence, conflit à l’ère post-médiatique

Nous sommes entrés dans l’ère post-médiatique depuis quelques années, sous l’influence du développement de technologies qui ont amené les médias à évoluer, à se transformer. Dans le même temps, les pratiques humaines d’information et de communication se sont aussi transformées. Si l’humain reste humain, c’est justement parce qu’il a cette souplesse, cette adaptabilité, cette plasticité qui fait de lui autre chose qu’une machine mais aussi qu’un animal. Pour le dire autrement, le patrimoine génétique de l’humain n’est pas totalement déterministe et la rationalité des études développementales est vite mise à mal par les transformations humaines au fil du temps.

Hasard et Nécessité, quelle liberté ?

Dans un débat ancien entre J.Monod, F. Jacob et M.Barthélémy-Madaule, sur « le hasard et la nécessité » (https://www.lemonde.fr/archives/article/1972/08/07/l-ideologie-du-hasard-et-de-la-necessite_2399618_1819218.html ) on trouve les bases (ou la continuation) d’un questionnement humain récurrent et porté par J.P. Sartre dès 1942 (les jeux sont faits), celui de la liberté ou du déterminisme. Les fondements de la liberté sont liés à ce questionnement que la science qui se veut « objective » tend à limiter de plus en plus en tentant de « connaître » le fonctionnement humain et en particulier celui de notre cerveau. Les sciences cognitives (avec toutes leurs composantes) et l’informatique (idem, dont les plus récentes comme l’IA) sont au centre de ce débat actuellement, accompagnant, parfois, l’idéologie de la singularité (portée entre autres par Ray Kurtzweil). Serions-nous libres dans ce monde numérisé qui, s’appuyant sur des techniques très individualisées, peut sembler nous contraindre et nous diriger ? Pour le dire autrement, sommes-nous encore libres dans cette ère post-médiatique.

Le sacrifice à l’ère post-médiatique

Revenons ici à l’idée de post-médiatique. Pour nous l’individualisation permise par les moyens numériques entraîne une dérégulation de la circulation des informations, telle que nous l’avons connue jusqu’à la fin du XXe siècle. En analysant les propos actuels des « anciens » médias, dits de flux, on peut noter l’importance qu’ils accordent aux flux communicationnels (médias dits interactifs) générés par ces moyens techniques (popularité sur les réseaux dits sociaux et numériques). Ils en empruntent d’ailleurs aussi les moyens et les méthodes, semblant parfois s’y fondre. De récentes affaires de conflit à propos des « influenceurs » ou encore de violences de toutes sortes semblent donner raison à René Girard dans son travail sur le « mécanisme sacrificiel ». En se demandant si nos sociétés humaines sont vouées à la violence, son travail nous touche directement en ce moment ou la « violence ordinaire » semble devenir la norme. Être violent serait-il devenu le seul moyen d’être ? Ou à défaut d’exister ? Car ce qui accompagne cette transformation individualiste, c’est l’expression du conflit et de la violence qui en serait devenu le passage obligé du fait même de cet environnement communicationnel. Or certaines violences qui ont trop longtemps été cachées sont désormais mises au grand jour (intra-familiales, harcèlement sexuel ou moral, etc…). Paradoxe d’une violence dont la révélation est essentielle à sa prise en compte et qui, dans le même mouvement, devient une norme d’expression publique et souvent individuelle ou exercée par de petits groupes humains. On peut trouver une expression de cette évolution dans cette affaire qui touche le monde cinématographique : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/04/24/la-polemique-autour-de-catherine-corsini-bouscule-le-cinema-francais_6170836_3246.html .

Vers la notion d’intention

L’émergence de nouveaux moyens d’expression mais aussi de traitement de l’expression doit nous interroger sur la notion « d’intention ». Qu’elle soit explicite ou implicite, l’intention pilote l’action, dans la plupart des situations que nous vivons. Qu’elle soit préalable à la situation ou qu’elle émerge au cours ou en réaction à la situation, il y a toujours intention. C’est la dimension implicite de l’intention qui est souvent niée (déni ?) et qui est très difficile à expliciter. L’action en situation repose sur une dimension profonde de chaque humain : l’intériorisation culturelle de notre histoire individuelle et relationnelle, considérée comme une dynamique de développement. La psychanalyse, aussi contestée soit-elle, a mis au jour l’existence de cet implicite qui est au cœur du fonctionnement psychique. L’activité cérébrale, enregistrée en continu par électro-encéphalogramme, montre bien l’existence de ce travail non contrôlé (autonome) par la conscience qui pourtant peut surgir sous diverses formes dans l’activité consciente et trahir ou traduire une intention.

Émettre, transmettre, recevoir

Lorsqu’un individu s’exprime dans un espace « partagé », voire « public », il le fait essentiellement pour « transmettre », « faire passer » en direction de… Que ce soit physiquement ou numériquement, l’expression publique ou partiellement publique est la traduction factuelle d’une intention individuelle. On ne présume pas de la qualité de l’intention, mais de l’idée même qu’il y a intention, plus ou moins consciente. Celui ou celle qui reçoit une telle expression fait œuvre double : il reçoit l’intention, il traduit l’intention. C’est ce deuxième volet de l’activité en réception qui est le croisement de l’intention de l’émetteur et de celle du récepteur, dès lors qu’il est situé ou qu’il se situe comme tel. Si je vais sur un réseau qui diffuse des vidéos en continu, j’ai l’intention de, dès lors que je vais consulter les vidéos, je vais accéder à l’intention des auteurs qui s’ajoute à celle de la plateforme elle-même qui a aussi ses propres intentions (cf. les publicités insérées dans les fils de vidéo ou encore les censures éventuelles exercées par elles-mêmes. L’intention est bien omniprésente.

Intelligence, intention, artifice

Alors que l’intelligence dite artificielle fait son grand spectacle en particulier dans les vieux médias de flux, on peut facilement y observer la lutte d’influence et donc d’intentions autour de ces nouvelles formes de production et d’utilisation des expressions. L’ampleur prise par l’utilisation de ces algorithmes sans finalité a priori autre que théorique, s’insère dans des politiques d’entreprises, d’États, d’associations et d’usagers. Il suffit d’observer comment le monde de l’enseignement supérieur et secondaire s’est emparé du problème posé par les applications génératives de textes ou d’images pour identifier ce « conflit d’intention ». Il suffit d’envisager ce que chacun peut vouloir faire de ce genre d’algorithmes, États, comme particulier, pour comprendre que l’avenir de ces moyens techniques va dépendre des intentions de ses utilisateurs. L’intelligence dite artificielle n’échappe pas à la question du rapport bénéfice/maléfice propre à tout développement technique nouveau.

Quand la violence s’impose

Reste enfin la question de la violence qui surgit désormais à chaque situation considérée comme problématique. La violence verbale, et aussi physique (sont-elles séparables ?), semble être une marque de l’ère post-médiatique. Pourquoi ? Parce que chaque individu se sent désormais fondé à exercer cette violence en lien avec l’évolution des communications interhumaines médiées et médiatisées. On assiste en ce moment à la construction progressive d’un encadrement législatif de ces pratiques, prolongeant celles existantes. L’exemple du harcèlement en ligne n’est que le révélateur de ces pratiques humaines très anciennes (rappelons la période trouble des années 1930 en France). À l’école, il en est de même. L’amplification permise par les moyens techniques accessibles à toutes et tous semble avoir accompagné un phénomène qui serait nouveau, alors qu’il n’en est rien. Ce qui est nouveau, d’où l’appellation d’ère post-médiatique, c’est justement le fait que ces pratiques soient désormais le fait de personnes qui n’auraient pu ou voulu le faire antérieurement. La libération de l’expression individuelle accompagne la lente déchéance de la communication et l’information médiatique et/ou officielle. La mise en doute des propos d’un « Autre », en dehors de tout débat construit, est à la base de ce déploiement de violence verbale (ou physique). Cela d’autant plus que cet « Autre » représente, outre une autorité ou une légitimité, une impression de refus d’entendre : ce qui porte ces discours dits complotistes, c’est le sentiment de ne « jamais » être entendu et donc qu’ils entrent dans une dynamique d’auto-renforcement et d’entre soi.

Éduquer, et pas seulement la jeunesse

Éduquer aujourd’hui devient de plus en plus difficile du fait de cette fluidité voire labilité des faits et des savoirs. Or la jeunesse, et l’ensemble de la population même adulte, doivent ouvrir les yeux sur leurs propres intentions. Ce besoin d’être et d’exister est le révélateur d’une double crise : celle du faire société et celle de l’ère post-médiatique et ses codes nouveaux. Soulever la question des intentions à chaque occasion où cela peut s’avérer pertinent devrait être au cœur de tout processus éducatif et de formation à l’ère post-médiatique.

 

A suivre et à débattre

BD

 

P.S. L’intention cachée est souvent tue et pourtant, trop souvent, l’intention tue réellement ou virtuellement.

Pourra-t-on faire société demain ? Des livres qu’on pourrait lire !

Dans le domaine des sciences de l’éducation, l’ouvrage d’entretien avec Harmut Rosa récemment traduit en français (en 2022 pour un écrit en allemand de 2016) « Pédagogie de la résonance » (Le Pommier 2022) devrait intéresser les éducateurs, les enseignants, mais aussi tous ceux et celles que le débat public ou privé intéresse. Car la résonance est au coeur des relations humaines et de la capacité à passer de la confrontation à la compréhension (au sens propre du terme : prendre avec). L’auteur de plusieurs ouvrages, dont en particulier un sur le thème de l’accélération, donne ici des clés pour aider le enseignants à comprendre pourquoi la résonance est un mécanisme essentiel de l’accès aux savoirs, aux apprentissages.

 

Dans le domaine de la sociologie des médias, le livre dense de Dominique Boullier « Propagations, un nouveau paradigme pour les sciences sociales » (Armand Colin 2023) nous permet de comprendre comment, ce qui « circule » entre les humains est au coeur de la vie sociale. L’auteur nous propose une « théorie sociale de la propagation » qu’il étaye de nombreux exemples et illustrations. Il s’appuie aussi sur ce qui a fondé en partie son parcours intellectuel : Callon, Latour, Akrich et leur théorie de l’acteur-réseau d’une part et Gabriel Tarde d’autre part. Ce qui est particulièrement intéressant, mais qu’il faudra approfondir dans une lecture attentive de ce texte difficile, c’est l’actualisation de la question de la « propagation » par le fait du numérique et des réseaux sociaux numériques. On peut commencer, justement, par des vidéos à propos de ce livre : https://youtu.be/6aIpDqFpsN4?list=RDCMUCjaCN9r_oyIgyUwY7wgACkA

 

Au-delà de l’informatique, c’est le pouvoir des algorithmes qu’interroge Arthur Grimonpont dans « Algocratie, Vivre libre à l’heure des algorithmes » (Editions domaines du possible 2022). Rejoignant indirectement le travail de Dominique Boullier, l’auteur interroge, lui aussi la place prise par les réseaux sociaux numériques dans la structuration de nos sociétés. L’auteur appelle à la construction d’une démocratie de l’information, projet qui suppose que l’on se défasse des dominations externes (vidéos courtes et autres) pour contrôler notre « attention » c’est à dire notre capacité à ne pas céder à la facilitation, à la facilité.

 

Dans un tout autre registre, Édouard Gentaz propose de questionner la place des émotions dans l’éducation. « Comment les émotions viennent aux enfants, Et pourquoi les compétences émotionnelles sont la clé de leur épanouissement et de leur réussite scolaire » (Nathan 2023). Dans cet ouvrage, chacun pourra identifier les situations vécues au cours desquelles se manifestent, s’expriment les émotions pour parvenir à les mettre au service du développement de l’enfant. Dans un monde largement numérisé, aborder la question de la gestion des émotions, c’est aussi envisager la personne dans es interactions avec le milieu, indépendamment des médiations instrumentales fournies principalement au travers des écrans.

 

Ces ouvrages s’inscrivent dans la même logique de responsabilisation. En effet, la question qui se trouve au coeur, en filigrane, est celle de la « possibilité de faire société ». Les évolutions actuelles, en particulier techniques (informatiques et mathématiques entre autres), mettent en place de nouvelles manières de « vivre ensemble » qui vont de plus en plus à l’encontre, en opposition à ce qui fait le ciment humain : la relation. Est-elle encore pilotable par la personne ou est-elle désormais externalisée ?

Naïveté numérique, apprentissage et institution scolaire

Aux premières heures de l’informatique scolaire, j’ai fait partie des « naïfs de l’informatique » scolaire et éducative. En effet, j’ai longtemps cru que l’on pourrait rapidement transformer l’enseignement, l’école et les apprentissages par le simple fait de cette technologie émergente dans le monde scolaire au début 1980. Cela a d’abord été la programmation (6502 pour les initiés, Basic pour les autres) de ces machines énigmatiques et fascinantes. Puis cela a été l’Enseignement Assisté par Ordinateur (EAO) et ses logiciels d’aide à l’apprentissage (ELMO pour la lecture rapide ou encore les exerciseurs). Quelques années plus tard vers 1985, l’intelligence artificielle, déjà bien médiatisée à l’époque, m’a enthousiasmé. J’ai appris le langage Prolog (Colmerauer) et j’ai conçu des petits modules pédagogiques de grammaire formelle dans ce langage et les ai testés auprès de mes élèves de lycée professionnel. Travaillant auprès d’enseignants de lycée professionnel, formant des enseignants d’école primaire et secondaire, travaillant en formation continue pour développer les compétences bureautiques des demandeurs d’emplois de l’époque (1990), j’ai ensuite envisagé la puissance de développement et de progrès que permettrait cette informatique, ces TIC pour les apprentissages.

 

Retour en arrière, dynamique ou tourbillon

Au gré des politiques publiques et des propositions des structures auprès desquelles je travaillais, j’ai pu aussi mesurer le potentiel de l’enseignement hybride (à partir de 1989) comme nouvelle forme de la formation et de l’enseignement. Devenant formateur de personnels d’éducation et ne côtoyant les élèves que par moments, j’ai mis l’accent sur des analyses plus approfondies du potentiel éducatif de l’informatique et sur les questions qui traversent le monde enseignant ainsi que celui de ses responsables (Multimédiatiser l’école ?, Hachette, 1998). L’arrivée d’Internet et du web a ouvert des portes complémentaires : partage, échanges, publication, ressources etc…. Bien sûr, l’attirance a été d’autant plus forte qu’une demande importante venait des acteurs du quotidien de l’éducation. Ces demandes, principalement venues des enseignants, étaient principalement « instrumentales » plutôt que philosophiques ou anthropologiques. Cette acceptation de l’informatique et du numérique passait d’abord par l’envie, le souhait de « dominer la machine » dans l’action plutôt que dans l’analyse critique. Pris dans ce tourbillon, il est difficile de prendre du recul et de tenter d’y voir clair, de déceler les lignes de force et d’éviter les modes à court terme dans lesquels les promoteurs de ces technologies veulent nous entraîner.

 

Le piège se referme et devient invisible

Depuis le début des années 1980, on peut lire dans de nombreux documents, colloques et autres récits que l’engouement pour l’informatique, et désormais le numérique, repose sur une naïveté renforcée par une fascination. Du colloque de 1983 sur l’informatique éducative au discours du Premier ministre de 1997 à la suite de cinq rapports sur cette question, on ne peut que constater cela. À partir de 2000, le contexte a changé et l’accélération s’est poursuivie en passant définitivement du monde professionnel au grand public, c’est-à-dire en liant le personnel et le professionnel. L’adoption extrêmement rapide du téléphone portable puis du smartphone s’appuie sur cette adoption sous la forme d’une nouvelle naïveté basée en partie sur l’ignorance. En devenant « facile », le numérique (sa nouvelle appellation adoptée depuis le début 2000 en remplacement de l’informatique et des TIC) a su séduire l’ensemble de la population et devenir presque indispensable voire nécessaire pour certains. Cette nouvelle forme de naïveté favorise l’adoption rapide de toute évolution technique et celle liée à la mal nommée « intelligence artificielle » en est l’exemple le plus récent. La question centrale étant celle du regard critique possible face à ces évolutions.

 

De la séduction à l’éducation …

La naïveté numérique est aussi du côté de nombre d’utilisateurs/spectateurs du monde numérique : influenceurs et influencés semblent former un couple du type naïf/profiteur. Certains ont adopté des codes de séduction, d’autres se laissent séduire voire s’abandonnent à ces « musiques » ronronnantes, appuyées par des technologies qui en facilitent l’utilisation. Les médias s’empressent de nous signaler les millions d’abonnés ou de vues ou de relais sur les réseaux sociaux, attisant ainsi le feu de la naïveté, voir en étant complices. Car le spectre de la popularité est alimenté par la logique économique libérale et individualiste. La dénomination « influenceur » en dit déjà long sur la manière dont s’est construite la représentation de ces pratiques et des personnes. Plusieurs articles publiés (https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/02/09/les-influenceurs-sont-evocateurs-de-success-stories-accessibles_6161138_4408996.html#xtor=AL-32280270) sur ces personnes permet de relativiser le phénomène et ses origines (https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/11/les-influenceurs-leaders-d-opinion-de-l-ere-numerique_6022429_3232.html). Ce qui peut sembler inquiétant, c’est la crédulité des « suiveurs » décomptés : sont-ils réellement aussi nombreux ? Quelle type de suite donnent-ils à ce qu’ils semblent avoir consulté ? Les retours dont on dispose sont peu documentés. On pourra avoir un éclairage scientifique en lisant le livre de Dominique Boullier, intitulé « Propagations » (Armand Colin 2023) ou au moins, en écoutant (suivre) les vidéos de présentation qu’il propose sur Youtube (https://youtu.be/6aIpDqFpsN4?list=RDCMUCjaCN9r_oyIgyUwY7wgACkA). Avec l’auteur on peut s’interroger sur notre  manière (individuelle et collective) de vivre avec ces « propagations ».

 

Quand la naïveté numérique concerne aussi les pouvoirs

Il arrive que la naïveté numérique s’associe à la volonté de plaire. Ainsi en est-il de ces personnes très impliquées dans le numérique éducatif et qui sont intégrées dans la hiérarchie. De la circonscription aux services académiques voire aux instances nationales (DNE, DGESCO, la centrale – sic), on les rencontre souvent, en particulier dans les manifestations publiques organisées localement ou nationalement. Aussi soucieuses de leur position institutionnelle que de leur attachement au numérique, ces personnes vont développer au quotidien leur biais d’enthousiasme avec celui de carrière. C’est pourquoi, voulant plaire à leur hiérarchie (elle-même mal renseignée voire aussi naïve), elles ne font remonter que les dimensions positives auprès de leur hiérarchie. Les responsables sont souvent victimes de ce syndrome de l’obéissance stratégique et ne perçoivent alors de la réalité que ce que ces collaborateurs leur donnent à voir. Autrement dit elles font écran à la réalité, surtout quand, en plus, les responsables en question souhaitent que celle-ci soit conforme à leurs voeux ou leurs attentes ou celles de leurs propres hiérarchies. C’est ainsi qu’on peut lire nombre de rapports, enquêtes, sondages et autres tentatives d’éclairer les décideurs mais aussi l’ensemble de la population. Dans le domaine du numérique éducatif, comme dans d’autres, le lobbying de certains appuyés sur des argumentaires marchands porteurs (rappelons nous l’interactivité des vidéoprojecteurs et autres écrans tactiles), parviennent à convaincre au-delà de ce qui serait raisonnable de voir (cf. la tentative de généralisation des TBI au Québec). Car nombre de décideurs sont aussi d’une autre naïveté, celle de l’ignorance partielle associée à la séduction face à certains discours commerciaux en particulier.

 

L’institution scolaire est très marquée par des courants très contrastés autour du numérique. Il y a un sentiment d’inéluctabilité quasi généralisé qui fait face à une hostilité parfois violente. Les arguments sont faciles à comprendre : il y aurait une « vulgate » autour du numérique éducatif qui serait alimentée par la naïveté et qu’il faudrait combattre. De la santé à l’environnement, de l’économie à l’attention, ces propos tendent à s’opposer, mais n’apportent pas de réponse globale et constructive. Car le problème est beaucoup plus profond qui s’alimente dans la vision que chacun de nous a de la société humaine et de ce que l’on veut la voir devenir. Le numérique éducatif n’est qu’un épisode d’un monde beaucoup plus global dans lequel la mission de l’éducateur est bien de « conduire le jeune au-dessus » de « l’élever dans la compréhension ». Le numérique fait partie du monde, qu’on le veuille ou non. À partir de là c’est la recherche d’équilibres raisonnés qu’il faut parvenir à mettre en place, tout en préservant la complexité de la planète durablement.

De bonnes et moins bonnes raisons pour préciser la place du numérique en éducation (et pas uniquement dans l’enseignement)

Les éducateurs sont confrontés à des dilemmes nombreux au coeur de leurs situations, de leurs métiers, de leurs fonctions. Parents, enseignants, éducateurs spécialisés et bien d’autres personnels d’éducation sont face à un phénomène qui s’est imposé mais en passant en dehors des mailles du filet des craintes, des peurs, des méfiances et autres croyances ou conviction, voire même de travaux scientifiques plus ou moins solides. Car, qu’on soit d’accord ou non, les moyens numériques se sont imposés en environ soixante années dans tous les aspects de la vie.

Nous avons comparé cela à un « perturbateur endocrinien » qui se serait infiltré et qui en modifie de nombreux aspects. Il faut situer ces moyens dans un cadre plus large et parfois bousculé, celui d’une culture mondialisée qui associe technique, économie et humain. Malgré certaines réticences voir oppositions parfois radicale, l’ampleur de ce développement numérique est tel qu’il faut aussi s’interroger aussi bien sur les actions concrètes à mener pour que chacun puisse se situer, comprendre, prendre part, orienter, faire évoluer que d’en comprendre les effets sur nos sociétés et la planète. Pour ce faire, la fonction éducative et pédagogique est essentielle et doit permettre d’ouvrir des voies pour que le numérique ne soit pas pilotée uniquement par des « intérêts » et des « intentions » que nous ne serions pas en mesure d’identifier et de modifier. Car éduquer c’est permettre à chacun de « s’affranchir » du risque d’esclavage, d’asservissement, de soumission, de dépendance. C’est la responsabilité que, malheureusement, les politiques ne veulent pas énoncer, au nom des fondamentaux de l’éducation d’avant qu’il faudrait uniquement privilégier, au risque de passer à côté d’un phénomène social total qui désormais touche aussi au fondamentaux.

Nous proposons d’explorer ce qui peut encourager ou freiner une éducation au numérique à partir d’une série d’assertions commentées :

 

Ce qui incite à éduquer au numérique : pourquoi cela peut-il être déterminant !

 

1 – Rechercher et trouver et évaluer une information

Si poser une question par un moteur de recherche peut sembler suffisant pour trouver une information, un usage régulier et une analyse des algorithmes ainsi que des capacités de ces logiciels révèle rapidement leurs limites à répondre correctement et à ouvrir l’utilisateur sur une démarche d’évaluation des réponses proposées. La naïveté et la facilité sont deux éléments clés qui augmentent l’acceptation des réponses fournies et l’envie de ne pas aller voir plus loin. Éduquer la recherche d’information est donc essentiel

2 – Évaluer les informations recueillies dans les espaces de partage de toute nature

L’utilisation de plus en plus courante des espaces de partage en ligne (réseaux sociaux numériques et autres serveurs de documents vidéos, audios, etc…) interroge sur la nature et la qualité des informations accessibles. Les communications courtes sont devenues premières par rapport aux documents approfondis et longs. Ce sont les « titres » qui attirent l’attention de l’usager ne l’incitant pas à approfondir.

3 – Connaître les éléments techniques sous-jacents aux pratiques numériques ordinaires

Développer la compréhension minimale des environnements informationnels et communicationnels peut sembler difficile pour la plupart des utilisateurs. Cela est accentué par le milieu professionnel qui dispose de son langage et de ses habitudes peu accessibles au grand public. Les exemples de fragilités numériques observés sont révélateurs pourtant de la nécessité d’une compréhension minimale permettant une certaine autonomie dans les usages et pour faire face aux dysfonctionnements qui peuvent survenir. Ne pas être bloqué par des situations inattendues peut s’avérer important dans de nombreuses situations de la vie quotidienne, personnelle et professionnelle

 

4 – Participer à l’espace social enrichi et élargi par les moyens numériques

L’espace de socialisation s’est rapidement et soudainement ouvert à l’ensemble de la population à cause de la généralisation des moyens numériques. Dès lors, concevoir et diffuser des informations, échanger au sein d’un groupe de relation et au-delà est une ouverture possible. Les faits montrent une large adhésion à ces nouveaux moyens, dérives de toutes sortes comprises. C’est pourquoi il est nécessaire de développer la capacité à participer à de tels échanges en prenant en compte les moyens techniques et en respectant, outre la loi, une éthique de la vie sociale.

 

5 – S’exprimer et élaborer des contenus pour les partager

Être « auteur » est à la portée de chaque humain. Mais la diffusion et le partage des productions sont aussi devenus accessibles sous des formes multimodales. Outre la maîtrise technique de ces formes, il y a aussi la capacité à organiser un contenu pour le rendre « lisible ». Le monde scolaire limite souvent les productions des élèves à des formes simples. S’il veut accomplir ses missions, il ne peut que s’emparer de ces nouvelles possibilités pour permettre aux jeunes de participer de manière constructive à ce monde

 

6 – Développer son potentiel d’autoformation en utilisant les ressources accessibles

L’autoformation, rêvée par certains avec l’avènement d’Internet après avoir fait rêvé d’autres avec le livre et l’imprimerie, n’a jamais été première dans les sociétés structurées. Celles-ci on surtout construit un encadrement (la forme scolaire) au sein de laquelle l’autoformation a très peu de place. Éduquer, c’est donner aussi une place à la capacité d’autoformation du jeune en lui donnant accès aux ressources et en construisant des dispositifs autonomisants.

 

7 – Participer à des débats, des controverses, et construire des argumentations

L’inquiétude est grande, lorsque l’on parcourt en ligne des débats, des commentaires… Au fil du temps on s’aperçoit qu’il semble de plus en plus difficile de débattre et d’aborder les controverses. D’une part chacun peut avoir des certitudes, d’autre part chacun cherche plutôt à aller vers ce qui conforte ses opinions, ses connaissances, ses croyances. Apprendre à être acteur de débats et de controverses est essentiel dans une société qui se veut démocratique. Encore faut-il que les espaces de débats permettent cela et que l’on apprenne à entendre les arguments et les analyser.

 

8 – (Se) définir un cadre éthique, déontologique, dans les usages personnels et professionnels du numérique

Chacun de nous est souvent tenté au quotidien de « fronder », d’explorer les bordures de ce qui est reconnu comme acceptable dans la société. C’est à ces frontières que se situe la nécessité d’une attitude déontologique et éthique. Il est nécessaire de repérer les limites des usages pour pouvoir les mettre à bonne distance. Les comportements éthiques ne sont pas moralisateurs, ils sont à l’articulation entre les dangers du numérique, l’omniprésence de ces nouveaux moyens, et la façon dont ils peuvent servir le développement humain.

 

9 – Reconnaitre la variété des écrans qui nous sont imposés ou que nous utilisons et leurs attractivité

Se passer des écrans, ne fût-ce qu’une semaine ne suffit pas à comprendre et limiter leur impact. Même si cela peut ouvrir les yeux, force est de reconnaître que la variété des écrans qui peuplent notre quotidien sont influents et nous attirent. Imposés aux enfants dès leur plus jeune âge, il est indispensable de mieux connaître leurs différentes formes et de comprendre comment ils se rendent aussi attractif. La possibilité de les choisir ou pas et d’en maîtriser les usages est désormais indispensable

 

10 – Comprendre la notion de progrès et de développement au travers de l’évolution de l’informatique et du numérique

L’histoire récente de l’informatique désormais devenue numérique est aussi celle d’un développement continu de techniques. Cette dynamique semble être acceptée par tous comme allant de soi, étant bonne pour les humains presque incontestable. Or les logiques sous-jacentes, et en particulier la notion de progrès, ne sont pas sans conséquences sur nos milieux de vie. Une idéologie d’un « bon progrès » doit être déconstruite afin d’être en mesure d’en identifier les intérêts mais aussi les dangers.

 

11 – Comprendre les enjeux économiques et industriels qui sont sous-jacents au développement technique du numérique

Suivre l’évolution du numérique c’est aussi soulever les questions sous-jacentes, industrielles, économiques. L’évidence du numérique, rappelée par les pouvoirs politiques de toutes origines, ne doit pas cacher les intérêts non seulement économiques, mais aussi politiques. De la transformation du quotidien personnel à l’activité professionnelle, ces dimensions sont toujours présentes et il est nécessaire de les percevoir et de les comprendre pour agir avec discernement

 

12 – Connaître et maîtriser l’impact environnemental des pratiques personnelles du numérique

Il semble nécessaire d’avoir une compréhension systémique des effets du développement des moyens numériques sur l’environnement (au sens large) dans lequel nous vivons. Si le plus souvent on parle de protection de la planète, il ne faut pas négliger la nécessité de penser aussi l’humain, composante de la planète. Si le numérique nécessite des ressources issues de la terre, il transforme aussi notre relation avec elle et aussi entre nous. Cette dimension doit être systémique et multifactorielle.

 

13 – Ne pas abandonner la jeunesse au monde informationnel sans les outiller

Refuser d’aborder le numérique dans le monde scolaire est une sorte d’abandon qui amène à livrer les jeunes au monde sans qu’ils aient les moyens de le transformer. Condorcet écrit en 1791 : « L’inégalité d’instruction est une des principales sources de tyrannie ». On ne peut que s’interroger sur l’instruction nécessaire à donner aux jeunes à propos du numérique.

 

 

Les craintes exprimées face au numérique, à l’école et ailleurs.

 

1 – Trop d’écrans ? Que penser de 3 – 6 – 9 – 12 ? Limiter la consommation d’écrans en faisant référence au cadre de « 3 – 6 – 9 – 12 » (Académie des Sciences 2013)

Lorsque l’Académie des sciences a permis en 2013 la publication d’un document sur la consommation d’écrans, elle a été rapidement relayée suite aux propos de Serge Tisseron transformés en association. Ces propos tentent de cadrer les usages des écrans selon l’âge et donc la supposée capacité des humains jeunes à faire face. On comprend aisément que cette proposition vise à faire face à une problématique plus large qui concerne l’évolution de la parentalité et donc des actions éducatives intra-familiales

 

2 – Quels écrans ? Vidéos, Réseaux Sociaux, etc… Eviter la domination de certains écrans susceptibles d’être addictifs : Vidéos, Réseaux Sociaux, etc…

La plupart des études et enquêtes abordent les « z’écrans » de manière très partielle et avec des méthodologies critiquables. Ce qui est le moins étudié, parce que le plus difficile à faire, c’est le contenu des écrans et leur usage. Parfois fait de manière un peu superficielle, cette question des utilisations réelles mérite d’être approfondie. Il y a de grandes différences entre lire un article de presse, regarder des vidéos à la chaîne, échanger des messages avec des proches etc… Pour parvenir à y voir clair, il faut pouvoir utiliser des données de traçage précises, et encore parfois faut-il y ajouter une observation directe. Fustiger les écrans sans préciser ce qui en est fait est un problème de fond qui interroge sur les intentions de ceux qui mènent ces enquêtes (comme celle récente qui mettait de côté les smartphones…). D’autant plus que tous les écrans et leur utilisation ne relèvent pas des mêmes implications cognitives.

 

3 – L’expression de soi et des autres en ligne : extimité ? Limiter l’expression de soi et des autres en ligne : éviter l’extimité ?

On est impressionné de voir à quel point les humains ont besoin d’interagir et aussi souvent de se montrer pour exister. Entre la mégalomanie et l’exhibition, il y a de la place pour des comportements acceptables socialement. Toutefois, on peut s’interroger sur ce que nous mettons en ligne et sur l’intention que nous avons en le faisant. S’il faut aussi prendre en compte les cercles de diffusion de ces messages en lien avec les algorithmes des services en ligne, il est toujours étonnant de voir des personnes mettre en ligne des contenus plus ou moins personnels. Le terme extimité (issu priincipalement de la psychanalyse) est celui qui représente le mieux cette attitude. Souvent reprochée aux jeunes par les adultes, l’expression de sa vie privée n’est pas qu’une affaire de jeunes mais plus largement celle d’une population. Quelles sont les conséquences de cette extimité pour soi et pour les autres ? L’inquiétude concernant ces comportements a été vive à certaines époques, mais sa généralisation est le signe d’une banalisation qui doit être interrogée.

 

4 – La parole en ligne : quelle valeur, quelle force ? La parole en ligne est-elle contrôlable : quelle valeur, quelle force a un propos ?

Le web permet à chacun de s’exprimer. Cette possibilité est très récente, car le contrôle de la parole publique a été très largement limité avant l’avènement d’Internet. Le droit à la parole est encadré par des lois qui en définissent les limites. L’avènement du web et le relatif anonymat qu’il semble permettre a amené certaines personnes à s’autoriser toutes sortes de propos. Tous les propos sont « à égalité » sur le web. Cependant, certains pays ont choisi de limiter et d’encadrer les prises de parole. C’est ce comportement de certaines autorités qui renvoie au fait que de nombreux dérapages ont lieu dans divers espaces d’expression et en particulier dans les réseaux sociaux numériques. Autour de cette parole « libre », des peurs s’expriment et les éducateurs de toutes sortes sont appelés à y faire face.

 

5 – La « cyber violence », le cyberharcèlement et autres : une autre parole. Le développement de la « cyber violence », et du cyberharcèlement s’impose comme un norme du discours public.

Très médiatisée, la cyberviolence incarnée souvent à l’école par les différentes formes de harcèlement fait partie des craintes qui s’expriment de plus en plus fréquemment. Les possibilités offertes par le web semblent servir de chambre d’écho à des pratiques de paroles violentes, de menaces et autres formes de chantage qui s’exercent dans des relations entre des personnes. Le relatif anonymat qui semble possible, mais aussi le fait qu’un effet de meute peut amener les individus à ne pas reconnaitre leurs responsabilités sont des moteurs importants de ces comportements. Les relations humaines semblent de plus en plus souvent dépasser les limites d’échanges et de débats tenus dans un climat serein pour glisser vers le conflit ou l’affrontement.

 

6 – Les ondes, wifi, 4G, 5G. Les ondes, wifi, 4G, 5G. sont parfois considérées comme mauvaises pour l’humain

La difficulté des travaux de recherche sur la nocivité des ondes de toute nature trouve sa traduction dans les controverses qui y sont associées. Les études longitudinales semblent indiquer une très faible nocivité prouvée en regard de ce que certains affirment. Mais, comme pour de nombreux domaines de recherche, la vérité définitive n’existe pas. Seul peut être énoncé « en l’état actuel des connaissances », ce qui évidemment fait le lit d’une approche de la précaution très négative qui énonce, « si l’on ne sait pas à l’avenir, alors il ne faut pas faire aujourd’hui ! ». Dans ce domaine des ondes, il y a d’autres éléments à prendre en compte : les ondes issues du cosmos, les autres ondes issues des activités humaines etc… La complexité de l’analyse impose donc une grande modestie.

 

7 – La question de la sobriété numérique. La question de la sobriété numérique est à prendre en compte

Apparue au début des années 2020 dans la sphère médiatique, mais en réalité bien plus ancienne, la sobriété numérique s’est imposée dans l’espace public. Alors que les termes « modération » ou « tempérance » auraient pu être plus précis et adaptés, on a préféré le terme sobriété qui s’est appliqué à de nombreux domaines. Même si l’histoire de ce terme est compliquée, ce qui nous intéresse ici c’est le double langage qu’il permet : on utilise, mais on fait attention. En quelque sorte, c’est une bonne conscience appliquée au principe de précaution. C’est toute l’ambivalence de nos attitudes humaines qui est présente dans ce terme. Plus encore c’est aussi un simple effet de langage et de mode, ce que l’on appelle les « éléments de langage » qu’il convient d’employer en société…

 

8 – Effet environnemental de la consommation des moyens numériques et informatiques. L’impact du numérique sur l’équilibre énergétique et écologique de la planète

La question de l’effet environnementale de la vie humaine devrait pourtant se poser autrement que dans la division entre l’humain et la nature, car l’humain est un élément de la nature, mais avec cette particularité qu’il est en situation de domination par rapport à toutes les autres formes de vie sur terre. Il convient dès lors de chercher à savoir dans quelle mesure une « invention technique » transforme l’ensemble du monde naturel et bien sûr l’humain lui-même. L’informatique et les moyens numériques s’inscrivent dans la continuité de ces questions de cette relation difficile. La rapide généralisation de l’informatique et la massification numérique ont apporté des transformations multiples. L’étude de l’impact de ces transformations ne peut se limiter à la fameuse empreinte carbone qui n’en est qu’une partie. Si nous considérons que nous ne sommes qu’un élément de l’environnement, alors il faut aussi prendre en compte les effets sociaux, économiques, psychologiques….

 

9 – Déshumanisation par remplacement par des robots. Le risque de déshumanisation de nos sociétés du fait du remplacement de l’humain par des robots et des technologies de la distance

Depuis « les temps modernes » de charlot jusqu’aux robots humanoïdes qui nous sont proposés actuellement, il y a une idée fondamentale qui est celle du « remplacement » de l’humain par la machine. Certains ont déjà prédit cela pour les tâches physiques répétitives, désormais c’est aussi le cas pour les tâches plus intellectuelles. Ce qui est sous-jacent à ces évolutions, c’est une forme de déshumanisation, c’est-à-dire que la relation à la machine pourrait être première par rapport à la relation entre humains. Cette peur n’est certes pas nouvelle, mais elle va tendre à s’amplifier avec l’évolution des savoirs techniques dans ce domaine. La robotique peut aussi bien se concevoir au service de l’humain que contre lui. Le test de Turing fait, en cette fin d’année 2022 l’objet d’attention renouvelée du fait de l’apparition d’automates conversationnels de plus en plus puissants. Ai-je affaire à un humain ou non ? Nombre d’activités sont interrogées par ces évolutions liées à l’automatisation et la robotisation des activités.

 

10 – Déploiement de l’Intelligence artificielle. Le déploiement de l’Intelligence artificielle peut inquiéter du fait de sa puissance

Le retour de l’intelligence artificielle dans l’espace publi et médiatique s’accompagne des mêmes débats que plus largement les technologies. Cependant, la particularité est cette « boîte noire » symbolisée en particulier par le deep learning. Le déplacement vient du fait que l’algorithme de ce deep learning génère une forme de raisonnement (et de comportement) non prévisible par le programmeur. C’est ce qui accentue le côté magique mais aussi les craintes qui s’expriment. Tâches complexes comme la traduction, la reconnaissance optique, etc… viennent s’ajouter à la panoplie portée par l’Intelligence Artificielle et enrichir l’imaginaire machinique des humains : je ne comprends pas la machine, elle me fait peur.

 

11 – Productivité humaine et pénibilité numérique. L’augmentation de la productivité humaine crée une pénibilité numérique liée aussi à l’accélération

Le progrès technique s’est accompagné, du fait en particulier de l’industrialisation, d’une augmentation de la productivité humaine en permettant d’alléger l’humain de certaines tâches en les remplaçant par des machines. Ainsi, la pénibilité de certains métiers s’est trouvé transformée grâce ou à cause de l’évolution des techniques. D’une part, certaines tâches pénibles ont pu disparaître ou s’amoindrir, et, d’autre part, certaines tâches fondées sur les moyens numériques ont révélé de nouvelles pénibilités : travail devant des ordinateurs, accélération des processus et des tâches, etc… On a pu parler des problèmes visuels, mais aussi musculaires, attentionnels, etc…. qui sont autant de perturbateurs des activités traditionnelles de l’humain. L’utilisation intensive des moyens numériques touche aussi bien la sphère professionnelle que la sphère privée et sociale. Transformations multiples aux conséquences parfois imprévues, comme ce que l’on a commencé à entrevoir lors de la crise sanitaire.

 

12 – Tracking et surveillance des personnes.Le développement du tracking et de la surveillance des personnes peut amener à une société sous contrôle (mais de qui ?)

La crainte d’être surveillé n’est pas non plus nouvelle, les archives de certains services secrets en sont la preuve avant même que la NSA américaine ne soit mise en question. La Commission Informatique et Liberté (CNIL) a, dès 1978 été créée pour justement envisager la relation entre les humains et les technologies de l’information et de la communication. La loi de 1978 dans son article premier exprime ainsi l’objet : « L’informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques.  » Depuis cette loi a été modifiée enrichie, encore récemment en lien avec le RGPD européen et il est probable que des réajustements auront lieu en fonction des jurisprudences qui seront effectuée. Ainsi en est-il de la vidéo-surveillance qui est souvent contestée mais qui semble être largement utilisée dans certains pays. Plus finement, la surveillance invisible, par des moyens informatiques se généralise pourtant (cookies et autres logiciels de traçage) et la peur de cette nouvelle forme de surveillance ne peut être négligée.

 

Et pour conclure

En conclusion de la présentation de ces deux approches nous refusons de les opposer. Elles sont les deux faces d’une même problématique qui dépasse l’école et qui s’inscrit dans l’ensemble de la société. On pourra trouver des éléments pour poursuivre la réflexion en lisant les travaux de Hartmut Rosa sur la résonance et la pédagogie qui l’accompagne (Pédagogie de la résonance, Le Pommier 2023). Cet auteur nous amène à repenser nos relations avec les autres humains, mais aussi avec notre milieu que nous espérons pouvoir contrôler et maîtriser. C’est dans ce cadre théorique qu’actuellement, je développe mes réflexions et analyses.

Annexe : les intitulés de chacune des propositions de réflexion et d’action

Reproches et oppositions

  • 1 – Trop d’écrans ? Que penser de 3 – 6 – 9 – 12 ? Limiter la consommation d’écrans en faisant référence au cadre de « 3 – 6 – 9 – 12 » (Académie des Sciences 2013)
  • 2 – Quels écrans ? Vidéos, Réseaux Sociaux, etc… Éviter la domination de certains écrans susceptibles d’être addictifs : Vidéos, Réseaux Sociaux, etc…
  • 3 – L’expression de soi et des autres en ligne : extimité ? Limiter l’expression de soi et des autres en ligne : éviter l’extimité ?
  • 4 – La parole en ligne : quelle valeur, quelle force ? La parole en ligne est-elle contrôlable : quelle valeur, quelle force a un propos ?
  • 5 – La « cyber violence », le cyberharcèlement et autres : une autre parole. Le développement de la « cyber violence », et du cyberharcèlement s’impose comme un norme du discours public.
  • 6 – Les ondes, wifi, 4G, 5G. Les ondes, wifi, 4G, 5G. sont parfois considérées comme mauvaises pour l’humain
  • 7 – La question de la sobriété numérique. La question de la sobriété numérique est à prendre en compte
  • 8 – Effet environnemental de la consommation des moyens numériques et informatiques. L’impact du numérique sur l’équilibre énergétique et écologique de la planète
  • 9 – Déshumanisation par remplacement par des robots. Le risque de déshumanisation de nos sociétés du fait du remplacement de l’humain par des robots et des technologies de la distance
  • 10 – Déploiement de l’Intelligence artificielle. Le déploiement de l’Intelligence artificielle peut inquiéter du fait de sa puissance
  • 11 – Productivité humaine et pénibilité numérique. L’augmentation de la productivité humaine crée une pénibilité numérique liée aussi à l’accélération
  • 12 – Tracking et surveillance des personnes.Le développement du tracking et de la surveillance des personnes peut amener à une société sous contrôle (mais de qui ?)

Nécessités et choix

  • 1 – Rechercher et trouver et évaluer une information
  • 2 – Évaluer les informations recueillies dans les espaces de partage de toutes natures
  • 3 – Connaître les éléments techniques sous-jacents aux pratiques numériques ordinaires
  • 4 – Participer à l’espace social enrichi et élargi par les moyens numériques
  • 5 – S’exprimer et élaborer des contenus pour les partager
  • 6 – Développer son potentiel d’autoformation en utilisant les ressources accessibles
  • 7 – Participer à des débats, des controverses, et construire des argumentations
  • 8 – (Se) définir un cadre éthique, déontologique, dans les usages personnels et professionnels du numérique
  • 9 – Reconnaître la variété des écrans qui nous sont imposés ou que nous utilisons et leurs attractivité
  • 10 – Comprendre la notion de progrès et de développement au travers de l’évolution de l’informatique et du numérique
  • 11 – Comprendre les enjeux économiques et industriels qui sont sous-jacents au développement technique du numérique
  • 12 – Connaître et maîtriser l’impact éco-environnemental des pratiques personnelles du numérique
  • 13 – Ne pas abandonner la jeunesse au monde informationnel sans les outiller